2002 · Savannah Bay · Duras · Vigner
"Toutes les images que l’on perçoit aussi dans le spectacle sont des images intimes. Savannah Bay est une œuvre - la nôtre, la vôtre - qui ne révèle pas le secret mais le cache, pour paraphraser GUIBERT dans Le Mausolée des Amants."
ÉRIC VIGNER
En 2002, Vigner est invité à mettre en scène une pièce de MARGUERITE DURAS pour l’entrée de l’écrivain au répertoire de la Comédie-Française. Il choisit SAVANNAH BAY, l’une des plus énigmatiques de ses œuvres. SAVANNAH BAY est créée en ouverture de saison, le 14 septembre 2002 - Salle Richelieu. Vigner travaille avec deux grandes actrices, la doyenne de la Comédie-Française CATHERINE SAMIE (elle a joué dans L’École des femmes) et CATHERINE HIEGEL.
"Il y a des artistes qui participent de l’invention de l’avenir. Marguerite Duras est sans doute l’un des écrivains les plus importants du XXe siècle. Je voudrais au-delà de Savannah Bay que ce soit l’écrivain qui entre au répertoire la Comédie-Française. Tous ceux qui ont approché, par la lecture ou dans la vie, cette artiste au charisme réel ont ressenti le profond bouleversement qu’elle peut opérer en chacun de nous. Marguerite Duras, c’est aussi une femme qui écrit toute sa vie sur ce qu’est l’amour, sa vie et son œuvre sont attachées à ce sentiment. C’est une femme qui transmet avec force et passion et ce n’est que justice si elle entre aujourd’hui au répertoire de la Comédie-Française. Ainsi, au début du XXIe siècle, ouvrir la nouvelle saison de ce théâtre avec ce texte est un acte fort qui engage singulièrement la représentation."
ÉV
"Pour la scénographie, Eric Vigner envahit le plateau d’un dispositif de rideaux de trois millions de perles en verre qui jouent avec la lumière, frissonnent, dansent ou s’entrouvrent aux mouvements des interprètes, dessinent des images en même temps qu’ils invitent à les dépasser, à les traverser. C’est un espace inhabitable (même si toutes les images que l’on perçoit sont des images intimes), dont seules les marges sont fréquentables, un lieu qui n’a à voir qu’avec la lumière. Savannah Bay, c’est la lumière de la mort, l’éblouissement de l’amour."
Martin Bethenod, Vogue, octobre 2002
"Tu ne sais plus qui tu es,
qui tu as été,
tu sais que tu as joué,
tu ne sais plus ce que tu as joué,
ce que tu joues,
tu joues,
tu sais que tu dois jouer,
tu ne sais plus quoi,
tu joues.
Ni quels sont tes rôles,
ni quels sont tes enfants vivants ou morts.
Ni quels sont les lieux,
les scènes,
les capitales,
les continents où tu as crié la passion des amants.
Sauf que la salle a payé et qu’on lui doit le spectacle.
Tu es la comédienne de théâtre,
la splendeur de l’âge du monde,
son accomplissement,
l’immensité de sa dernière délivrance.
Tu as tout oublié sauf Savannah,
Savannah Bay.
Savannah Bay c’est toi." [1]
"Le spectacle est fait pour ces deux actrices, nous sommes bien chez Duras, je veux dire avec elle. C’est une affaire de femmes. Les deux actrices ont cette force, elles connaissent intimement ce geste. Catherine Samie est à la Comédie-Française depuis longtemps. Elle est dépositaire d’une mémoire de théâtre et de vie nécessaire pour ce rôle. En face d’elle il fallait Catherine Hiegel, une nature différente qui appartient à une autre famille de théâtre. C’est aussi une histoire de famille entre les actrices."
ÉV
"Vigner fait naître une énergie, il lance un rideau de perles mouvant, accrochant la lumière, le jour, la nuit et le sang en larges coulées bruissantes. Le rideau comme un personnage. Le rideau comme la mémoire irisée et cruelle, jeté en travers de la scène et tombant soudain, tandis que l’évocation de la mort approche. Éric Vigner, qui a vécu une véritable amitié avec Marguerite Duras, fait entrer Savannah Bay au répertoire du Français, dans le mouvement d’une beauté plastique inouïe. On est émus, troublés. Témoins discrets d’une histoire d’amour entre une vieille femme qui n’est plus et un jeune homme qui n’a rien oublié."
Laurence Liban, L’Express, 24/30 octobre 2002
SAVANNAH BAY est une coproduction de la Comédie-Française et du CDDB-Théâtre de Lorient. Le CDDB se charge d’une grande tournée du spectacle dans toute la France pendant la saison 2003/2004. La tournée se termine à Lorient, en février 2004, dans le Grand Théâtre (récemment construit par l’architecte Henri Gaudin). Le CDDB-Théâtre de Lorient, devenu Centre Dramatique National, assure désormais la programmation théâtrale de cette salle de 1000 places, dans le cadre de sa propre saison.
© Photographies : Alain Fonteray
Textes assemblés par Jutta Johanna Weiss
© CDDB-Théâtre de Lorient