Motton, dissident professionnel · Claire Amistead (Guardian) · REVIENS À TOI (ENCORE)
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The Guardian
Claire Armistead (journaliste au Guardian)
MOTTON, dissident professionnel
GREGORY MOTTON est le jeune homme en colère du théâtre anglais. Pourtant, la poignée de pièces qu'il a déjà écrites n'a pas encore autant d'impact sur le public que son habitude de bombarder les quotidiens d'articles à la "J'accuse", visant à dénoncer l'injustice et la faillite artistique de l'institution théâtrale.
Le décrire comme un enfant terrible, c'est oublier qu'il a maintenant trente-deux ans et regarde encore le monde avec des yeux d'étranger aliéné. Cette manière de voir commande non seulement ses opinions politiques mais aussi son imaginaire artistique. La pièce type de MOTTON est un assemblage court et froid de scènes expressionnistes, se déroule dans les couches défavorisées ou chez les citadins largués dans la course à la richesse et au statut social. Il ne goûte pas la polémique, ni le débat rationnel. Son fonds de commerce est un humanisme paranoïaque qui s'exprime à travers des individus persécutés par une autorité cauchemardesque ou prisonniers de vies désespérées. Vomir leur est une activité coutumière.
Dans Ambulance et Downfall, les deux pièces de la fin des années 80 qui l'ont fait connaître. et qui ont été montées dans le sanctuaire de la nouvelle écriture du théâtre de Londres, le Royal Court, ses personnages étaient des paranoïaques, des soûlards et des clochards. Plus récemment, il s'est attaqué aux attirances sexuelles et au voyage allégorique d'un rêveur irlandais à la manière du Peer Gynt d'Ibsen.
Les critiques britanniques sont généralement déroutés par son œuvre. très atypique de l'esprit anglais dans son obscurité délibérée et son refus d'offrir des repères tels qu'une intrigue ou une psychologie des personnages. Mais les mêmes critiques rechignent à le condamner. C'est comme si, de façon inavouée, ils soupçonnaient en lui le prochain Pinter ou le nouveau Beckett. Les années 80. celles de la formation de MOTTON, furent des années de désespoir au sein de la communauté des dramaturges britanniques. Le théâtre d'opposition, qui s'était développé dans les années 70 avec l'émergence d'écrivains socialistes comme David Hare et Howard Brenton était en déclin. Les petits théâtres et troupes qui formaient son milieu naturel étaient au même moment mis en faillite par la politique économique du gouvernement conservateur.
Les jeunes écrivains se sont alors détournés du réalisme socialiste pour rejoindre le dépouillement poétique d'Edward Bond et de Samuel Beckett. Les nouvelles pièces furent soudain pleines de clochards et de terrains vagues. MOTTON s'inscrit dans ce mouvement. Mais il a été plus loin que la plupart des autres jeunes écrivains en supprimant toute structure. Il a créé un monde cauchemardesque dans lequel les gens ne parlent plus des banalités inhérentes à la société et a imaginé des vies nocturnes quand on n' y voit pas clair, quand les conversations deviennent étranges. Sa force est d'avoir raconté, de façon presque prophétique, le Londres que nous connaissons désormais : celui des sans-abri effondrés au pied des portes, n'ayant rien à espérer sinon le prochain verre et rien à craindre sinon le prochain flic.
Les vagues de l'inconscient
On ne recherche pas un sens dans une pièce de Motton ; on recherche une sensation, On lui reproche souvent son refus de montrer clairement ce qu'il veut dire. "Je m'agrippe au nuit de mon stylo pendant que les vagues de mon inconscient me submergent" raconte le héros de la Terrible Voix de Satan, pièce écrite l'an passé. Deux questions se posent alors : l'inconscient de Gregory MOTTON est-il assez riche pour être la seule source de son écriture ? Si l'artiste ne contrôle rien d'aucune manière, alors pourquoi perdons-nous notre temps en sa compagnie ?
Jusqu'ici, la cohérence et la maturité ont manqué à MOTTON, même si la force poétique de Beckett se reflète parfois dans son œuvre. Il lui faut encore montrer si son accession au statut de dissident professionnel du théâtre britannique est due à la perversité ou à la passion. En tant que tel, il rejoint Edward Bond, dont la vision marxiste excentrique et les attaques contre l'establishment ont été rejetées en Angleterre, et Howard Barker, un génie poétique et apolitique enclin à l'arrogance et à l'emphase, dont l'imagination expressionniste a beaucoup des forces et des faiblesses de MOTTON.
Ces voix importantes ont permis au théâtre anglais de se sortir du bourbier de la convention. non seulement en l'attaquant par le biais du journalisme (tous trois l'ont fait), mais en proposant une conception artistique alternative qui permet aux gens de les haïr sans pouvoir les rejeter.
MOTTON ne s'adressera jamais aux masses comme Brecht tentait de le faire. Mais il ne veut pas permettre que l'institution théâtrale s'endorme sur ses lauriers.
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