Le Télégramme
7 octobre 2008 · Isabelle Nivet
Pari 100% réussi pour Eric VIGNER
Le directeur du CDDB, Éric VIGNER, présentait, hier, au Grand théâtre, la première d'Othello, de SHAKESPEARE, traduit en collaboration avec l'auteur RÉMI DE VOS. Une réussite esthétique au service d'un drame intemporel.
Othello, l'une des très grandes pièces de SHAKESPEARE, est l'une des plus simples à suivre. Peu de personnages, une intrigue simple, une montée en puissance irrésistible. Deux moteurs universels, la jalousie et la trahison, Othello et lago. On tremble, se révolte, s'émeut, s'indigne aux mots de SHAKESPEARE, simplement et naturellement traduits, sans emphase, par VIGNER et DE VOS.
Des acteurs qui jouent
D'autant plus qu'enfin, VIGNER a rangé au placard ses tics de directeur d'acteur et ses outrances, pour nous offrir des comédiens qui jouent, juste et simple. Michel Fau, admirable de fausseté presque malgré lui, Bénédicte Cerutti, bouleversante Desdemone sans pathos, Jutta Johanna Weiss, fidèle Emilia, et Samir Guesmi, un Othello qui se permet la fragilité, loin des interprétations classiques du rôle, souvent plus violentes. Sur scène, les acteurs occupent l'espace avec une harmonie parfaite, formant tableaux et contrepoints, créant des images magnifiques et fortes.
Une merveille esthétique
Mais comme souvent chez VIGNER, le personnage principal, c'est le décor et les costumes, dont la lumière joue avec brio et brillant, une lumière vraiment magnifique, qu'on prend plaisir à voir réinventer ce décor subtil, ces grandes plaques perforées qui se transforment en moucharabieh, en circuits imprimés, tour à tour futuristes ou traditionnelles. C'est d'ailleurs le grand génie de cette scénographie de nous emporter dans Venise ou Chypre, aussi sûrement que par une fidèle reconstitution, puis nous démontrer l'intemporalité du propos avec une esthétique proche de la science-fiction, exceptionnelle au point qu'il faut vraiment se concentrer pour suivre à la fois les mots et regarder la scène... À noter, la création sonore, faite de nappes et de ruptures, d'Othello Vilgard, au nom prédestiné, qui fait monter une sourde angoisse et la relâche avec une maîtrise digne d'un Hitchcock machiavélique...