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08 Février 2013 · CHRISTINE ZIMMER
De l'inconstance
La Place Royale de Corneille se glisse dans des costumes contemporains pour dire les inconstances et les constantes de l'amour.
Alidor aime Angélique qui l'aime. Mais Alidor craint de se lier et pousse son aimée dans les bras de son meilleur ami Cléandre, qui, au gré d'une erreur, s'attache finalement à Phylis la meilleure amie d'Angélique, qui, elle, se réfugie dans un couvent. La Place Royale a été représentée pour la première fois à la fin de l'année 1633 ou au début de 1634. Le jeune Corneille (28 ans) avait écrit une série de cinq comédies consacrées à l'amour, dont La Place Royale est la dernière.
Éric Vigner qui la met en scène avec son Académie a choisi un décor minimaliste tout en reflets. Des vitres glissent sur le plateau et esquissent ici des couloirs, là une salle rectangulaire, ici un demi-cercle, là un lieu tout en rondeur mais qui enferme et que l'on contourne. Les personnages parfois s'y abritent, parfois s'y mirent ou s'y montrent. Alidor et Angélique ne parviennent pas à franchir le mur de verre qui les empêche d'être unis. Subtile configuration. Tout ce petit monde est habillé de costumes contemporains, aux couleurs vives pailletées, fluorescentes. Alidor en pantalon doré, Cléandre en rouge, Phylis en vert, puis en bleu comme Angélique, Angélique en blanc et rose, puis en bleu comme Phylis. Habit composite pour le frère de Phylis, Doraste. Certains aiment manier le fleuret pour poser la parole en autant de jeux de rôle. L'alexandrin y est ployé pour devenir plus souple, ou souligné pour faire insistance. Angélique casse sa voix pour dire sa douleur, déchire la lettre que son aimé dédie à une autre fictive pour faire diversion. Retenue par les rubans de sa robe, elle tourne en rond dans son destin. Pourtant, le rapport entre l'image et le verbe ne va pas toujours de soi, parfois tourbillonne, puis s'harmonise joliment comme dans la scène de l'enlèvement quand le groupe masqué esquisse des pas de danse.
L'on rit mais point trop. Cette pièce de jeunesse sur la jeunesse se referme sur un Alidor couché à terre, un temps, qui se relève pour crier "Je suis libre à présent qu'elle est désabusée/Et je ne l'abusais que pour le devenir/Je vis dorénavant puisque je vis à moi/Et quelques doux assauts qu'un autre objet me livre/C'est de moi seulement que je prendrai la loi"...