Le Courrier de L'ouest
7 janvier 2012
Théâtre. Une souveraine Place royale de Corneille au Quai
Éric Vigner directeur du Théâtre de Lorient - Centre dramatique national et créateur de L'Académie, s'est installé au Quai cette semaine, en compagnie de ses sept jeunes comédiens.
Deux pièces, La Place royale de Corneille et Guantanamo de Frank Smith, actes fondateurs de ce laboratoire et espace de transmission qu'est L'Académie, sont ainsi présentées par le NTA dans le T400. Metteur en scène, Éric Vigner est aussi plasticien. Et à voir sa Place royale, jeudi soir, on ne saurait en douter. L'approche est ici géométrique : des panneaux de verre montés sur socle en bois découperont l'espace de jeu, offrant aussi une ouverture symbolique, quand nos amoureux se voient dédoubler leur âme. Ce dispositif renvoie aussi à un assemblage de morceaux de lino colorés, eux-mêmes échos de costumes bigarrés, renvoyant soit à la figure d'un Joker, soit à la jeunesse fashion. L'esthétisme est fort séduisant, le jeu au diapason. On a pu craindre le pire: les accents de cette petite troupe cosmopolite demandent un temps d'adaptation pour goûter pleinement au vers cornélien. Mais comme le shakespearien ou le moliéresque, ce dernier ne tient pas tant à son sens (que l'on finit toutefois par embrasser) qu'à ses belles formes. Pour accentuer encore ce relief verbal, Éric Vigner fait danser ses protégés, en une chorégraphie légère et un brin précieuse, parfaitement en accord avec le langage de ces jeunes cœurs épris d'amour ou de liberté. Difficile, voire injuste, de mettre tel ou tel comédien en exergue, mais la prestation d'Eye Haidara (Angélique) et celle d'Isaïe Sultan (Alidor) nous aura bluffé.
Enfin, et ce n'est pas le moins passionnant de ce qui trône sur cette place : l'éternel choix cornélien, nourri de la plus belle des rhétoriques ("Que ne peut l'artifice, et le fard du langage") et de dilemme existentiel ("Ma liberté naîtra de ma punition").