Ouest France · 18 mai 2012 · LA PLACE ROYALE

Ouest France · 18 mai 2012 · LA PLACE ROYALE
Une délectation à la fois esthétique et politique.
Presse régionale
Critique
Céline Malewanczyk
18 Mai 2012
Ouest France
Langue: Français
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Ouest France

18 mai 2012 · Céline Malewanczyk

La place royalE de CORNEILLE aux Cordes: un alexandrin haut en couleur

La langue classique, on l’aime ou on la quitte. Éric Vigner, facétieux créateur de l’Académie, cette troupe de jeunes acteurs de toutes les couleurs semble bien faire un pied de nez aux défenseurs d’une France franco-française. Il a le culot de faire parler à des étrangers la plus pure des langues, l’alexandrin de Corneille. Et rien que ça, ça fait un bien fou. Entendre la musique orientalisée par les différents accents du fameux vers de 12 pieds, respecté à la lettre jusqu’au bout des diérèses, est une délectation à la fois esthétique et politique.

Au-delà de ça, Éric Vigner a su faire de La place Royale, pièce de jeunesse de Corneille une œuvre à la fois baroque qui annonce les thèmes chers au géant du classicisme et une pièce profondément moderne sur les atermoiements du cœur. Alidor est ce héros baroque, travestissant ses sentiments et sa personne (magnifique jeu de masque chorégraphié sur une musique baroque). Mais il est aussi ce héros classique en proie au fameux dilemme (marque de fabrique de son auteur) entre l’amour, l’amitié et la liberté qu’il pourrait perdre en se donnant à Angélique.

L’intrigue avance, se cache, revire, chavire comme le cœur de la belle (Eye Haidara, magnifique vénus noire, bouleversante de justesse et d’émotion) qui finira par choisir le couvent pour fuir les trahisons et les tortures du cœur. Finalement, ces jeunes acteurs d’une nouvelle Babel nous parlent une langue universelle. Loin d’être datée, elle porte les couleurs du monde contemporain, dit l’individualisme et la peur de l’engagement. En le fuyant, comme Alidor à la fin de la pièce, il "cesse d’espérer et (..) commence de vivre."