Ouest France
12 octobre 2006 · Jérôme GAZEAU
Vigner & De Vos Toi aussi, mon fils !
Jusqu'à ce que la mort nous sépare est une pièce sur l'impossible détachement d'une mère et d'un fils. Une comédie finement écrite et drôlement oedipienne.
"Tu quoque mi fili", lançait César à Brutus qui l'assassinait, Dans Jusqu'a ce que la mort nous sépare, il y a aussi une trahison et un fils qui cherche à tuer. Mais ici, la tentative est purement mentale. Sigmund Freud n'a jamais caché le désir ardent qu'il avait de supprimer son père. Simon (Micha Lescot), lui, découvre qu'en revenant dans la maison familiale pour l'incinération de sa grand-mère, son inconscient souhaitait la mort de sa propre mère (Catherine Jacob).
À l'occasion du deuil familial, les retrouvailles entre maman et le fils à sa maman se déroulent bien. Au départ. Les bonnes manières sont ici autant de convenances, de "principes de précaution" dans une relation éminemment oedipienne et charnelle. En fait, la mère qui a élevé seule son fils, n'a jamais renoncé à son pouvoir sur lui, et lui n'a jamais coupé le cordon ombilical, même après avoir quitté le nid.
Dès lors, très vite, les choses se gâtent, avec pour prétexte la disparition de l'urne renfermant les cendres de l'aïeule. L'histoire dérape, version "Qui a cassé le vase de Boisson ?" - "C'est pas moi m'sieur !". Avec une mère doucereuse et inquisitrice dans le rôle de l'institutrice et le grand fils dans celui de l'élève. Redevenu petit garçon, le voici qui n'ose pas dire la (les) vérité(s) et cherche lâchement secours auprès d'un amour d'enfance, Anne (Claude Perron). Dans ce trio infernal, chacun trahit l'autre à qui mieux mieux et il faudrait un livre de psychologie avancée pour décortiquer tous les liens secret tissés entre les protagonistes.
Un drame qui fait rire
Chose étonnante, la pièce de Rémi de Vos passe comme une lettre à la poste. On pourrait presque la qualifier de légère, voire éthérée, si l'on restait à la surface des mots. Les trois acteurs, aussi décalés que l'est le texte, tiennent la rampe : Catherine Jacob en mère possessive et castratrice, plantureuse araignée tissant sa toile, Micha Lescot, grand échalas se débattant comme il peut avec ses mensonges ; jeune rivale perdue d'avance face à une mère hégémonique, Claude Perron est magnifique en avatar de Catherine Deneuve dans Les Demoiselles de Rochefort et de la poupée Barbie. La mise en scène convient bien au genre.
S'inspirant des couleurs psychédéliques des années 60 et de la musique de cette époque (les Beach Boys), Éric Vigner livre ici un plateau traité "à la manière" des comédies de boulevard dont se régalaient les téléspectateurs du temps d'Au Théâtre ce soir. Sauf qu'ici la seule porte qui claque est celle d'un frigo...