La Terrasse · Février 2007 · JUSQU'À CE QUE LA MORT NOUS SÉPARE

La Terrasse · Février 2007 · JUSQU'À CE QUE LA MORT NOUS SÉPARE
Un zeste de peps ravageur à la tonalité ludique et joliment cruelle, avec un quasi-cadavre dans le frigo et des miasmes de surréalisme.
Presse régionale
Critique
Véronique Hotte
Fév 2007
La Terrasse
Langue: Français
Tous droits réservés

La Terrasse

février 2007 · Véronique Hotte

Un nuage de boulevard, un souffle de polar et d'humour noir pour la scéno chic du metteur en scène Éric Vigner, au service de la parole décalée de Rémi de Vos.

L'auteur de théâtre Rémi de Vos voit deux de ses pièces, Ma petite jeune jeune fille et Occident à l'affiche au Café de la Danse dans une mise en scène d'Hervé Guilloteau. Quant à Jusqu'à ce que la mort nous sépare que monte Éric Vigner au Théâtre du Rond-Point, c'est une histoire de famille, un fils revient dans la maison de sa mère, tenant encore dans ses mains l'urne des cendres de sa grand-mère tout juste incinérée. Rien de très drôle a priori, la situation est comparable à la Veillée, une pièce du Suédois Lars Noren, un règlement de comptes familial plutôt rude près de l'urne paternelle après les funérailles.

Mais autre temps, autre espace, la musique des mots de Rémi de Vos sonne l'ironie et la moquerie, loin des regrets mélancoliques convenus, plutôt une mélodie douce-amère, volontairement décalée par rapport à l'épreuve solennelle d'une cérémonie d'obsèques. C'est que Simon, le fils, est parti sans jamais revenir, lassé sans doute de la suprématie féminine car le père a déguerpi depuis longtemps. Pourtant, Simon quitte son agence pour accompagner le chagrin maternel : "Au cimetière, j'ai embrassé ma grand-mère maquillée et j'ai regardé ma mère. Elle avait le visage dur et plein de reproches. J'ai regretté d'être venu, mais il était trop tard. Une musique tropicale couvrait le bruit du four..."

Esthétique des seventies

Ce fils rebelle et désinvolte, adepte suave du mensonge, est interprété par le longiligne Micha Lescot, à la voix faussement boudeuse et enfantine. L'acteur n'hésite pas à danser et à se contorsionner élégamment, loin des regards de sa génitrice, révélant par là que, puisqu'il est son seul maître, il ne sera jamais dupe de l'autorité imposée. Madeleine, la mère interprétée par la généreuse et gourmande Catherine Jacob, a perdu ses illusions depuis belle lurette : mimiques, moues de doute, et refus méprisant du moindre crédit consenti à la parole filiale, surtout quand Anne, l'ancienne petite amie de Simon, survient. Un souvenir peu avenant pour cette rivale historique : "Elle nous ravissait à toi, elle te dérobait à nous. Tous ces moments perdus. Ce temps volé... Je n'ai plus personne. Pour mes vieux jours...". Désobligeance et ingratitude des enfants. Mais Madeleine semble déjà paisiblement ailleurs, réconciliée avec Anne que joue Claude Perron. Un zeste de peps ravageur à la tonalité ludique et joliment cruelle, avec un quasi-cadavre dans le frigo et des miasmes de surréalisme. Une esthétique des seventies façon Jean-Claude Averty, jazz, musiques de films pour vaste intérieur, nu et clinquant. Une vraie occasion de sourire de ces facéties.