La Marseillaise
16 novembre 2006 · Denis Bonneville
Matrice, le retour
Dans un opus court et net, entre déco pop et phrases choc, le tandem Eric Vigner / Rémi De Vos ausculte la relation mère-fils et la surdité hommes - femmes. Cruel et drôle.
Le moins que l'on pouvait constater, à l'issue de la Première, mardi de Jusqu'à ce que la mort nous sépare, c'est la froideur des applaudissements. Cueilli, le spectateur ? Surpris par la brièveté de la chose (1h10, emballé c'est pesé), peut-être avait-il aussi besoin de digérer tout le drôle de plat qu'on venait de lui servir ? À moins qu'il ne se soit senti totalement étanche à ce grand déballage, consciemment ou inconsciemment...
Car Jusqu 'à ce que la mort nous sépare soulève des choses à la fois si banales (la mort, la vie, l'amour, etc.) mais aussi tout le linge sale qu'on n'aime pas vraiment voir lavé sur un plateau de théâtre. L'urne avec sa mémé en cendres dans les mains, Simon revient chez maman, Madeleine, dans l'antre de la mante. Après la cérémonie au rythme de salsa cubaine prélude à la dispersion de l'aïeule, c'est un autre pas de deux qui va alors s'engager sur l'immense moquette aux couleurs pop rougeoyantes, un écrin kitsch - et, en l'occurrence " utérin " idéal pour l'humour noir et le rire jaune... Mère et fils y joueront de culpabilité et de cruauté, entre un frigo et des stores, bientôt rejoints par une troisième larronne, Anna ,premier amour du fiston, autant fille à papa que Simon est fils à maman.
Ciment familial...
Dialogues autistiques, arrêts sur images, hochements, hoquètements de tête, accouchements - au sens de "se coucher"...en rafale, lâchetés à la pelle: la "danse de salon", à fleurets mouchetés, ponctuée par des croassements de corbeaux et des tentatives de SOS lancés sur répondeur par le fils pris au piège, s'achèvera dans un statu quo sur une note Debussyenne ; un seul vainqueur : le théâtre, tant l'écriture de Rémi De Vos et la "traduction" scénique d'Eric Vigner - très beau travail sonore sont particulièrement en phase.
Empruntant à des sources multiples (Bashung ou les Beach Boys pour la musique, James Bond ou Orange Mécanique pour l'atmosphère), les deux hommes, inspirés, sont idéalement relayés par un tandem féminin vénéneux (même si on attendait - sottement ?un peu plus de verve de la part de la diva Catherine Jacob) et, dans le rôle du fils torturé, par l'excellent Micha Lescot, fiévreux, fusiforme et saillant à souhait. Trois messagers parfaits d'un univers fait de phrases qui piquent au vif et tirent à vue du style "depuis que tu es né, tu m'as fait dormir debout" ou l'excellent "quand on aime, on ne fait plus qu'un, mais lequel ?" et qui n'hésite pas à mettre du ciment dans les liens du sang. Après ça, faut pas s'étonner que les claps fassent ploc.