Florilège · Éric Vigner · DÉBRAYAGE 2007

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Document de répétitions
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Extraits de FLORILÈGES, mai/juin 2007.

Cyril BRODY a répertorié des remarques et instructions données par ÉRIC VIGNER lors des répétitions de DÉBRAYAGE.

DEBRAYAGE :
Quelque chose du changement de vitesse.
Décélération / Accélération Course folle.
Système de jeux.

Le théâtre est utile si il donne une perspective d'avenir. Si quelque chose est possible.

DE VOS est tout à fait au fait de la réalité de la seconde moitié du XXèrne siècle, mais il veut croire à une forme d'avenir, même sans savoir lequel.

Chez DE VOS, ça retombe toujours dans le vide ou le rien. Il y a une forme de terreur à l'intérieur. Il y a toujours un secret dont on ne sait rien.

Dans DEBRAYAGE, le travail c'est la vie. Pas de travail, pas de vie. C'est une question de vie ou de mort.

Le théâtre de REMI DE VOS est un théâtre excessif.

On n'est pas dans un rapport psychologique. Quelque chose est en dessous qui est beaucoup plus important.

Faire du théâtre, c'est pas normal, pas quotidien.

DE VOS a une pensée très rapide. Ce ne sont ni des raisonnements ni des réflexions, mais des logorrhées. Ne tombez jamais dans l'ordinaire. Si ça devient du dialogue, il y a quelque chose qu'on entend pas.

Ça n'avance pas. L'écriture aussi, c'est épuisant. Mais ce n'est pas forcément une question de vitesse.

Dans l'écriture de RÉMI DE VOS, quand un mot apparaît, il revient. Il se répète et puis il retombe. Ça fait une boucle.

Ne prenez pas les choses comme si c'était du langage courant, mais faites les entendre comme de l'écriture. Jouez les
rythmes, les sonorités. Que ce ne soit pas que le sens qui guide les choses.

Pensez les choses physiquement. Pensez l'écriture physiquement.

Profitez des mots pour y aller, pour faire entendre l'importance des sons, du rythme. Comme à l'opéra.

Il y a des sons universels. Partagés. Des sons qui reposent sur un sentiment.

Repérez les grandes questions métaphysiques, ce sont des noeuds pour le jeu. Le mot le plus important dans Savannah Bay, c'est "Dieu". A quelle hauteur prononcer "Dieu" pour que ça corresponde à quelque chose ?

NON et OUI sont des planètes chargées de ce que l'acteur y met.

Il faudrait faire un gros "Oui" à l'intérieur de soi pour dire ce "Non".

La priorité du théâtre, c'est le rapport à la langue, à l'oral, à sa projection dans l'espace.

L'acteur est le relais pour toucher le spectateur. Trouvez une note, chacun avec votre voix. Pas d'unisson. Trouvez chacun un endroit de résonance spécifique.

On se met dans la peau de l'écrivain écrivant. Trouvez la sensation de l'écriture, de ce que ça produirait si on était dans ce mouvement là.

Mettez vous dans l'élaboration de l'écriture par l'auteur. Comment faire entendre ce qui est, au plus intéressant ?

La zone boueuse d'où vient le langage.
Partir du mot au sens littéral. Pousser tout ce qui est écrit, littéralement.

Chaque virgule compte. Une respiration. Un arrêt. Le type, il a passé des heures chez l'imprimeur à les vérifier. Votre boulot, c'est de savoir pourquoi. C'est un boulot d'archéologue.

L'axe, c'est l'auteur. L'écriture. Comment l'écriture se fait. Comment elle vient du point de vue de l'auteur. Comment elle se construit pour l'auteur. De propositions en propositions, et pas d'un point de vue psychologique ou social.

L'écriture guide les personnages et non l'inverse. C'est l'écriture que l'on suit.

L'élaboration de la phrase vient avant l'idée.

Les temps des verbes. Je v oudrais / Je m arche. Le mauvais théâtre, c'est celui qui est toujours au conditionnel. Pas dans l'action.

Ne plaquez pas une idée sur une phrase avant de la dire. Ne donnez pas un point de vue, sinon ce théâtre là ne marche pas. Partez de la situation, pas de l'apparence de la situation.

Ce n'est jamais normal. Ils sont au bord de l'explosion. Ils sont poussés à bout.

Allez vers l'excès. Principe de surenchère.

Trouvez dans quel espace imaginaire on se trouve, par les mots.

L'histoire secrète qu'on se raconte est d'une autre nature. Imaginez des conditions extrêmes. Prenez-les dans l'excès fantasmatique.

On entend toujours ce qui est en dessous, quoi qu'il arrive. Il faut faire entendre ce qui est au-dessus.

Elargissez sur l'imaginaire à l'intérieur. Renversez les mots en les prononçant. Soyez dans le mouvement de la phrase, ni devant elle, ni derrière elle.

Pas de la musique pour la musique.

Soyez au plus prs des mots. Au mot le mot, on avance...

Au départ, il n'y a rien. Puis on se donne les choses. Un prénom, etc. Tout se crée au fur et à mesure. Tout s'invente maintenant.

Ne pas jouer tout au début : on ne sait pas qui sont ces gens. Allons y petit bout par petit bout.

Ce qui compte toujours le plus, c'est l'entrée en scène pour un acteur.

Celui qui parle en premier, c'est celui qui a décidé de faire du théâtre.

Le théâtre, ce n'est que des propositions :
Je te fais une proposition de jeu.
Pousser l'autre à jouer est plus important que d'avoir un point de vue.

Il n'y a jamais d'accord de principe. Il y a quelqu'un qui joue ou pas, en face.

Rien ne préexiste entre vous.

Il faut créer l'accord à chaque fois. Aller plus loin que la résonance de la dernière syllabe du dernier mot.

Mettre en scène, c'est toujours penser quelqu'un dans un espace face à un public. Travailler en relation avec le public, dans la conscience de ce que ça va produire.

Ne faites pas comme si c'était su, ce qui va suivre. Soyez simplement dans l'intuition.

On ne sait pas. Quand ça commence, on ne sait pas.

L'intéressant c'est de retarder les choses. De les donner le plus tard possible. Leurrer le spectateur pour qu'il travaille.

Faites tout pour tenir et ouvrir les mystères successifs pour le spectateur.

À la table, on inventorie toutes les possibilités de surgissement de la parole.

Trouvez tous les contrastes possibles théâtralement, et regardez quel théâtre on peut faire avec ça. Brouillez les pistes. Le meilleur acteur, c'est celui qui en trouve le plus dans le texte.

Remettez les compteurs à 0 à chaque fois. N'enfermez pas la phrase dans une situation qui serait connue ou anticipée.

Trouvez le vrai moteur, sinon ce n'est qu'une question d'humeur et d'énergie. Elargissez le texte en le mettant dans un imaginaire plus fort. Ce n'est pas de nous que nous parlons. Il faut déplacer.

Dès qu'on sent que c'est banal, il faut sortir du cadre.
Si ça ne fait rien, il vaut mieux le faire vite plutôt que prendre son temps. Il y a des informations qu'on ne peut pas forcément jouer, alors on les donne, juste.

Prenons les choses au pied de la lettre.

Ouvrez la gorge. Trouvez toujours du plaisir dans le théâtre.
Mettez vous dans une humeur active. Ne rentrez pas accablés par la situation avant qu'elle n'arrive.

JOUVET
Elle ne pleure pas quand elle dit qu'elle pleure.

Le théâtre s'arrête complètement quand le jeu n'est plus maîtrisé.

On ne peut pas aller chercher au fond de soi, ni y trouver, ce que ressent un Horace. On ne va pas chercher dans sa vie pourquoi Horace a tué sa soeur. Mais si on part de la fascination pour la lumière chez un personnage (Roberto Zucco) c'est possible.

Ça ne s'adresse pas à la justice des hommes.

On va jouer à quelqu'un qui tue sa sensibilité en direct.

La multiplication des voix n’annule pas l'idée de personne.

C'est un no man's land. Un espace vide. Ils attendent.

Savoir qu'on est mortel et pourtant vivre. Ne pas tomber. Faire entrer le rêve, l'envie, la vie.

La fin de la pièce, c'est une sorte de mode d'emploi du théâtre qu'on voudrait faire. Tout est dit, là. Il y en a un qui a des choses à dire et l'autre n'entend pas. Il y a une sorte de calme, très intime et très beau, qu'on devrait tous entendre et il n'y a personne.

Inventez l'histoire, plutôt que raconter ce qui a été vécu.

Débranchez le cerveau. La phrase défile dans ma tête avant de la dire. Soyez super au présent et laissez venir la phrase.

Rêvez sur des phrases clé.

Transportez dans un autre univers. Laissez venir des voix à l'intérieur de vous.

Quand on a trouvé une piste, l'idée c'est d'aller de plus en plus loin dans cette piste-là au fur et à mesure des représentations. On ne réinvente pas chaque soir quelque chose de différent.

Le metteur en scène est le gestionnaire de tous les signes qui vont intervenir dans l'interprétation.

Poussez, montez les choses à un niveau maximum.

"Désolée" : imagine que c'est une terre, plutôt qu'une femme, qui parle.

On est sur le toit du monde.

Ils ont perdu les clés du monde.

Il n'y a pas d'alternative à un impératif.

Pensez toujours que vous êtes face au public et qu'il y a 1000 personnes qui sont venues vous voir dans la salle allumée.

Chaque virgule est un espace d'imaginaire ou de respiration, condensé.

J'ai envie de rêver sur ce que ça dit.

Amusez-vous avec ça !
C'est une comédie, hein

Dans cette lumière céleste, sur ce toit du monde, quelqu'un vient dire qu'il a vu.

Si c'est de la raison, on entend pas.

C'est terrible de renoncer à Dieu.

Que la pensée soit comme une action.

"Tout ça". Ce "ça" qu'on n'arrive pas à cerner ni à définir.

Ce qui a changé au XXème siècle, c'est qu'on ne peut plus croire aux idéologies.

Depuis deux jours, j'entends des anges annonciateurs de la fin du monde.

Ce n'est pas toujours la même chose dans la scène. Tout n'est pas à la même hauteur dans un texte. Identifiez les récurrences, les points d'appuis.

De la folie de la perte à la nécessité de la raison.

Quand on le lit, on entend des voix intérieures. Quelque chose qui danse. Il y a un rêve de comédie musicale dans un supermarché.

Je ne suis pas très clair parce que je n'ai pas envie de l'être. C'est trop tôt.

Une solitude si grande que tout est rêvé. Il faut qu'on s'intéresse à toutes ces histoires qui n'ont jamais eu lieu.

On ne peut pas le jouer. On ne peut que le dire comme ça, sinon c'est trop lourd.

Il y a un chemin, il faut en profiter. Un carré, un rond, un carré, un rond. Cet espace peut tout devenir si on l'utilise
bien.

N'aie pas peur d'être très mauvaise, très mauvais ça peut devenir très bon. Prends du plaisir à faire ce qui ne marche pas.

Au début, elle attend le partenaire sinon elle ne peut pas commencer. C'est un numéro fait pour que ça provoque quelque chose. C'est assez mauvais comme numéro. On devrait faire un peu "Ohlalalala...". Elle ne peut rien faire sans la mise en scène.

Il faut retarder parce qu'il n'y a pas d'accord. Tu ne sais pas par où commencer pour établir le rapport avec lui. Il y a des semblants d'accord.

Ils sont tous des anges annonciateurs. Ça se fait à deux. Ils ont conscience du rôle qu'ils jouent les uns avec les autres.

Pousse la question et ne choisis pas entre tout ce qui vient en toi. Profite des éléments donnés ici pour rêver à des échelles très très grandes.

La fin est terrible si on a compris que ces gens-là pouvaient s'aimer, avant.

Tu fais des plans, c'est toi qui traces le plan au sol. Ça n'est pas déjà tracé, c'est toi qui le traces.

Danser, danser, et puis après s'écrouler parce que c'est trop.

Là, on fait de gros dessins et après on verra si ça marche.

Ce sont des gens au purgatoire, qui parient d'une terre qui n'existe plus.

On commence sur une idée, et à la fin de la phrase c'est la fin du monde qui découle...

Il faut avoir conscience de la structuration de la pensée du début à la fin.

Vous savez déjà les choses, alors qu'en fait vous ne savez pas. Rien.

Je ne sais pas ce que je veux. On cherche ensemble. Ce que je veux c'est que ça fasse du théâtre qui soit vachement bien.

Si on laisse du temps, la psychologie se fout là-dedans et ce texte ne souffre pas la psychologie.

Il faut trouver un paradoxe. Tu ne joues pas qu'une seule chose. Il faut que tu trouves le contraire de ça à l'intérieur. Toujours chercher le paradoxe. Si il y a un paradoxe, il y a du théâtre. Tension entre deux pôles. Un contraire. Un secret à l'intérieur.

Si on va dans le sens de ce qui est écrit c'est trop loin. Le paradoxe permet souvent d'entendre le texte. Si on le sait dès le début il n'y a pas de paradoxe.

Tu poses les questions. Tu le pousses, comme Philinte dans "Le Misanthrope".

Nourris les prénoms d'imaginaire. Un imaginaire qui ne soit pas trop lié à la situation.

La sellette, c'est le plateau sur lequel sont tous les personnages.

Elle, elle essaie son maillot de bain dans sa tête.

Il y a cet aspect des expressions courantes. Il faut les prendre de quelque part et les donner. Qu'on comprenne qu'elles sont prises d'ailleurs. Des phrases rapportées. Ce ne sont pas tes phrases mais ce que tu choisis de faire entendre.

Invente les discours rapportés. Ça se rapporte à une histoire qu'on ne connaît pas.

Si tu transposes juste les choses au niveau du théâtre : elle, ça va très bien.

II y a une énergie sexuelle pour échapper à la peur. Trouve ces énergies et fais les ressentir.

On peut pas du tout jouer un truc naturaliste dans cet espace. C'est une sorte de labyrinthe.

Tu te compliques la tête, laisse monter un plaisir inouï.
(Utilise le dessin sur le sol pour trouver le plaisir.)

Peut-être qu'on parle trop...

Ne joue pas 3 fois les faits : paroles + déplacement + jeu... Si tout va dans le même sens, au bout d'un moment ça s'annule. Il n'y a pas de jeu ni de théâtre. Il faut du paradoxe.

On comprend dans ton déplacement que tu connais tous les chemins, toi. C'est le chemin que tu inventes, mais ce sont tes pieds qui disent que tu le connais.

C'est bizarre, mais ça produit des trucs.

Rien que "accélération/décélération", ça pose quelque chose.

Pour que ce système soit beau, il faut qu'il soit très précis, surtout les gestes.

On ne doit pas entendre une démonstration. C'est une pensée variée qui emprunte des chemins.

Ce qui compte c'est la précision, pas l'intention.

Joue par rapport à quelque chose.

C'est pas avec les yeux qu'on entre en contact avec le public, c'est avec le corps. 1 sur une scène est plus fort que 1000 dans la salle. C'est toi qui décides du rapport que tu vas installer avec nous.

J'ai dit depuis le début qu'on travaillait avec ce qu'on était. C'est réel, euh... enfin réel... Les mots, c'est chiant.

Le spectateur est prêt à tout imaginer du moment qu'on le fait participer.

II faut produire plus de jeu et plus d'émotion, plus de troubles. On peut pas être dans des démonstrations sinon c'est trop sec.

Plus de plaisir ! Pour l'instant, y a trop de gravité.

Il faut que tu saches à quel coin de rue il disparaît. C'est super précis, le théâtre.

Elle a des bleus partout parce qu'elle se prend à chaque fois des murs. Elle a des trous dans les collants parce qu'elle a pas de travail, elle a pas les moyens de s'acheter des collants.

Evidemment, après "je suis arrêtée" elle se met en mouvement.

Ouvre le sens.
À "Gandhi", tu te lèves et tu commences à marcher dans les rues de Calcutta.
C'est Calcutta sous toi, regarde la passer.

Le chemin rectangulaire autour c'est le chemin le plus calme. Tout à coup ça devient un salon, très cool.

Ferme les fenêtres. Retrouve des endroits vides. Pense à Dieu. Et remplace Dieu par les algues. C'est possible.

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Identité du doc

Sujet: 
Propos d'ÉRIC VIGNER
Date: 
May 2007
Langue: 

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Spectacle: 
DÉBRAYAGE · 2007

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Éric Vigner, CDDB