Leçon sur les trois unités · François Regnault · L'ILLUSION COMIQUE
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Leçon sur les trois unités
François Regnault
"Il faut le dire avec assurance, la règle des trois unités est une abstraction lyrique.
Comme le Clavecin bien tempéré qui permet qu'on écrive des préludes et des fugues dans toutes les tonalités voulues, sans avoir à réaccorder l'instrument à chaque fois, comme la perspective de la Renaissance, à laquelle elle est évidemment liée et qui se prête à la représentation de n'importe quelle scène, quelle qu'elle soit, sans avoir à privilégier ni les hauteurs pour les dieux, ni le bas pour les mortels, la Règle révèle au théâtre ce qu'il était depuis toujours. Car, à ne remonter même qu'aux Grecs, elle ne fait qu'attester que ce qu'on raconte en le jouant, en le mimant, en l'imitant, en le représentant, n'a lieu qu'ici et maintenant, a donc un commencement, un milieu et une fin, ne se limite pas à évoquer les morts ou les ancêtres, et substitue à la célébration, à l'évocation, au récit, ce qui s'appelle tout simplement une action. L'action est par définition une, et comme elle a une durée qui est limitée et qu'elle se passe dans un lieu fixe, il en résulte que la règle des trois unités, même s'il a fallu un ou deux siècles de discussions éminentes et d'arguties stupides pour s'en aviser, est la chose la plus naturelle du théâtre. En ce sens la règle est universelle."
"Contrairement à d'Aubignac qui en reste à l'idée que le théâtre ne représentant autre chose que la réalité, et devant donc être réaliste pour la faire accroire, Corneille va donc jusqu'à l'identifier, à la limite, le temps de l'action et celui de la représentation, le lieu de l'action et celui du théâtre "qui ne change point", établissant à nos yeux l'essence même du théâtre classique. Non que cette idée, moins évidente qu'on ne le croit, soit de lui ; elle a été plusieurs fois énoncée, notamment par Castelvetro ; lui-même déclarait dans la Préface de La Veuve en 1634 : "Pour l'unité de lieu et d'action, ce sont deux règles que j'observe inviolablement, mais j'interprète la dernière à ma mode, et la première tantôt je la resserre à la seule grandeur du théâtre, et tantôt je l'étends jusqu'à toute une ville, comme en cette Pièce l ." Mais il l'énonce, cette loi, à l'issue d'un processus d'abstraction qui transforme une remarque empirique des Italiens en un principe rationnel.
J'appelle donc ici classique tout théâtre dans lequel l'espace de l'action feint d'être identique à celui de la scène, et le temps de l'action à celui de la représentation."
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