Ouest France · 2 octobre 1998 · MARION DE LORME
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Ouest France
2 octobre 1998 · Benoit Le Breton
Pascale, costumière de la création
À Lorient, Éric Vigner met en scène Marion de Lorme de Victor Hugo. Une création est toujours une aventure. Avec son lot de grands bonheurs et de longues nuits blanches. Dans l'ombre, Pascale Robin, la costumière, aura largement eu sa part de rêve et de stress.
Éric Vigner est le directeur du CDDB-théâtre de Lorient depuis maintenant trois ans. Lors de son installation, il y avait créé L'illusion comique de Corneille, puis, l'année suivante, Brancusi contre États-Unis. Deux pièces pour lesquelles la costumière en chef n'était autre que Pascale Robin.
Outre une dizaine de comédiens, Marion de Lorme met à contribution l'ensemble Matheus de musique contemporaine. Le rôle de Marion est tenu par Jutta Johanna Weiss, une actrice autrichienne à la carrière déjà internationale mais qui, à cette occasion, joue en France pour la première fois.
"Depuis le mois de mars, tout ce que je fais, ce que je vois, ce que je mange est pour Marion de Lorme. Elle vampirise tout!"
Pascale Robin s'agite sur sa chaise. Sa longue crinière argentée ondule et vient caresser un sourire immense, reflet d'une fougue incroyable. D'une comédienne, on dirait qu'elle a du talent. Venant de la costumière, on pourrait juger l'investissement démesuré. Car, même en cas de triomphe, l'ovation du public ne lui sera pas directement destinée. "Le soir de la première est, pour moi, comme un enterrement joyeux, confie-t-elle, d'un ton soudain plus grave. Impossible de ressentir un quelconque soulagement. L'aventure s'arrête quand les comédiens prennent définitivement possession de leurs costumes. A quelques jours de la création, je dois faire mon deuil."
Tirer un trait sur de longs mois à chercher tel tissu rare, mieux adapté à tel costume, à couper, recouper une robe de Marion ou la redingote de l'un de ses amants. Oublier aussi les lectures répétées du drame romantique de Victor Hugo. "Il y en a des techniques, explique Pascale Robin, et d'autres où je fais fonctionner mon imagination, où je me raconte des histoires. Une création, je la vis comme une gamine qui rêve en feuilletant Tintin au Congo !
Ici, le reporter blondinet a pris les traits d'Éric Vigner. Avant de jouer du ciseau, Pascale confronte, bien-sûr, son imaginaire à ceux du metteur en scène et du scénographe, Claude Chestier.
"Je suis la travailleuse manuelle de la bande. Celle qui baigne dans le concret, dans le sens où j'adore travailler les matières. Pour autant, je n'ai pas davantage les pieds sur terre. Si Éric me demande quelque chose d'impossible, je fais le maximum pour le réaliser. Ce n'est certainement pas moi qui l'en dissuaderai!"
Depuis 12 ans, Pascale, la costumière autodidacte, promène son idéalisme d'artiste un peu partout en France. Et s'arrête là où l'art de la création est conçu comme une aventure collective. "Je déteste rester en dehors, lance-t-elle, me limiter à un apport purement technique. La proximité de l'atelier avec la scène, où répètent les comédiens, m'est indispensable." Un costume, Pascale Robin ne le cisèle pas qu'en fonction d'un personnage. L'interprète fait tout autant l'objet de son attention. "Dans Marion de Lorme, le rôle de Louis XIII est tenu par une femme. Je lui ai fabriqué des guêtres aux allures de cuissardes, tout en forçant sur les arrondis de son costume, pour ne pas trop heurter sa féminité."
Aujourd'hui, la costumière est au bord de la crise de nerfs. L'unique objet de son investissement est en train de lui échapper. "J'en suis malade. Et mon ego en prend un sale coup ! D'autant qu'une pièce forme un tout. Si quelqu'un vient me féliciter pour la beauté des costumes, c'est qu'il n'a vu qu'eux et que le reste est raté. Qu'on m'ignore ne me frustre donc absolument pas." Les spectateurs sont prévenus. Avec un minimum de retenue, qu'ils n'oublient tout de même pas d'avoir un petit mot pour la costumière...
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