Notes sur la traduction · Éric Vigner et Rémi De Vos · 31 octobre 2007 · OTHELLO

Notes sur la traduction · Éric Vigner et Rémi De Vos · 31 octobre 2007 · OTHELLO
Note de travail autour de la traduction de la phrase :" ... But I will wear my heart upon my sleeve for daws to peck at - I am not what I am."
Texte
Éric Vigner, Rémi de Vos
31 Oct 2007
CDDB-Théâtre de Lorient
Langue: Français
Tous droits réservés

31 Octobre 2007 · Sur Iago

"... But I will wear my heart upon my sleeve for daws to peck at - I am not what I am."

"C’est aussi toutes les figures religieuses représentées à l’époque... "I will wear my heart upon my sleeve"... c’est complètement noble, chevaleresque, je porterai mon cœur sur moi, sur mes habits."
ÉRIC VIGNER

"J’entends aussi une expression populaire, familière, je me mets à nu, tout sera dévoilé, comme une apocalypse, c’est les corbeaux qui viennent pour le picorer, hangman, après la mort, François Villion, c’est les corbeaux qui mangent les yeux des pendus." 
Rémi De Vos

"On ne peut pas terminer sur un jugement. Il fait toute cette démonstration invraisemblable sur une chose très abstraite, très exposée, très christique...  Il dit "Quand je le sers c’est moi-même que je sers", intuitivement j’entends son rapport avec Dieu. C’est quelqu’un qui blasphème, qui se mesure avec une force qui est plus grande que la sienne. Il ne faut pas qu’on interprète Iago comme un personnage du vingtième siècle. La psychanalyse n’est pas encore passée par là. On a "Heaven is my judge" - le Paradis, le Jugement - pas pour l’amour et le devoir - mais le semblant de ça pour ma fin ultime. Ce n’est pas la fin ultime de l’histoire, mais ma fin ultime. C’est ça que je comprends. Et un jour, on verra la démonstration, le réel de ce qu’il a pensé, on verra le véritable visage de mon cœur, complètement mis à nu. Je le porterai comme ça, offert, sur mon habit, ma chemise, et on pourra prendre des bouts...
... et après il dit "Je suis pas ce que je suis." Qui il est ? Dieu ? La figure devient comme un ange. En anglais, on sent une sorte de révélation et après il y a le contraste le plus noir avec Roderigo. Iago devient comme un ange de l’apocalypse, ce n’est plus lui, il devient porteur d’autre chose et on ne doit pas savoir de quoi. On ne sait pas quel est le but. En tout cas ce n’est pas la jalousie. C’est peut-être l’amour, peut-être la fin du monde. "Je ne suis pas ce que je suis" - on pourrait l’interpréter comme parole du Christ - ou "je ne sais pas ce que je fais", "je ne sais pas ce que je suis". Il n’agit pas pour lui-même. Il est agi. Si on construit Iago seulement sur une haine personnelle par rapport à Othello, c’est fini. Hors si tout à coup arrive une autre dimension, métaphysique, christique, angélique, je ne sais pas de quelle nature...
Ce qui est fascinant, ce que Shakespeare peut partir d’une histoire triviale, simple et tout à coup, aussi visionnaire, inspiré, relié que Hamlet, il part dans une autre dimension, sinon il ne terminerait pas par "I am not what I am"."
ÉRIC VIGNER