La Croix · 16 décembre 1993 · LA PLUIE D'ÉTÉ

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Presse nationale, Critique

LA CROIX

16 DECEMBRE 1993 · Didier MÉREUZE

Sur scène, à livre ouvert

Comment mettre un livre en théâtre? Faut-il le faire même? N'est-ce pas, alors que tant d'auteurs s'échinent à écrire de "vraies" pièces, une hérésie que de vouloir à tout prix porter sur la scène une écriture qui n'a pas été faite pour elle? Après Marc François avec Esclaves de l'amour, deux metteurs en scène tentent de répondre à nouveau à ces questions. Éric Vigner avec La pluie d'été, de Marguerite Duras, et Christian Colin avec Peau d'ours, d'Henri Calet.

Autant le dire tout de suite : pour ce qui est de la mise en théâtre du roman du Duras qui fut d'abord un livre pour enfants puis un film, la réussite est sans faille. S'attaquant à cette histoire d'un garçon prodige et de sa soeur qui refusent d'aller en classe "parce que, explique le premier, à l'école on m'apprend des choses que je ne sais pas". 

ÉRIC VIGNER conduit sur d'étranges terres où l'écriture se donne autant à voir qu'à entendre.

On est dans l'ordre du théâtre avec ses personnages de chair qui apparaissent, disparaissent (la mère originaire de Russie, le père immigré italien, les enfants héros, le professeur en culottes courtes qui n'en peut mais...). On est tout autant dans celui du roman alors que les comédiens tous frais émoulus du Conservatoire (Hélène Babu, Marilu Bisciglia, Anne Coescens, Thierry Collet, Philippe Métro, Jean-Baptiste Sastre...) jouent et lisent dans un échange permanent entre plateau et salle laissée dans la lumière crue. Au milieu du public ou pas, le livre à la main ou non, ils ramènent au "théâtre-récit" inventé par Vitez en 1975 au Festival d'Avignon - c'était avec Catherine d'après Les Cloches de Bâle d'Aragon.

Entre le jeu et le verbe, une osmose mystérieuse se fait jour, sans que jamais l'un prenne le pas sur l'autre. Au fil des thèmes qui s'entremêlent - inceste, refus du monde et des autres englués dans leur grisaille, choc des cultures, banlieue aux couleurs de Vitry... - la parole couchée sur le papier devient sensible avec une grâce irréelle, dans le fragile - et miraculeux - équilibre du théâtre et du livre.

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Sujet: 
L'écriture se donne autant à voir qu'à entendre.
Date: 
16 Déc 1993
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