Ouest France · 21 mars 1992 · LE RÉGIMENT DE SAMBRE ET MEUSE

Ouest France · 21 mars 1992 · LE RÉGIMENT DE SAMBRE ET MEUSE
LE RÉGIMENT DE SAMBRE ET MEUSE, dernière création d'ÉRIC VIGNER
Presse régionale
Avant-papier
Pierre Gilles
21 Mar 1992
Ouest France
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Ouest France

21 mars 1992 · Pierre Gilles

Éric Vigner est un jeune metteur en scène d'origine rennaise (il a fait ses classes au conservatoire sous la direction de Guy Parigot et de Roger Angebaud). Comédien, il a joué dans plusieurs pièces notamment mises en scène par Brigitte Jacques. Mettre en scène, justement, le démangeait.

D'où la création de la compagnie Suzanne M., dont le premier spectacle a été en janvier 1991 : La Maison d'Os, de Roland Dubillard, à Issy-les-Moulineaux, dans une ancienne manufacture de matelas désaffectée. Éric Vigner en parle ainsi :

"Ce premier spectacle était "manifeste" d'une volonté artistique, esthétique et morale de faire ici et maintenant un théâtre libre, loin des tours et détours idéologiques, loin du triomphe du faux-semblant lié à l'exercice d'un théâtre englué dans le consensus mou..."

Dans La Maison d'Os, il était question de la mort et de l'existence. Les répétitions ont commencé en pleine guerre du Golfe. Du coup, Éric Vigner a eu le désir de poursuivre sa réflexion sur la mort, la guerre. C'est ainsi qu'est né Le régiment de Sambre et Meuse. Le metteur en scène explique : "Qu'est-ce que la guerre pour nous, pour moi ? J'ai donc inventé une fiction, celle de sept acteurs, dans une ville où la guerre est quotidienne depuis des années. Ils se retrouvent en secret dans un théâtre désaffecté. Ils font du théâtre un acte de résistance par rapport à la réalité qu'ils vivent. À partir de textes littéraires et poétiques, ils parlent de la guerre."

Ces textes sont signés Céline, Allais, Genet, Dubillard, Courteline, Franz Marc. Ce dernier est peintre, engagé volontaire à Verdun, et il a laissé des lettres à sa femme où il se pose la question d'un nouveau mode de représentation du monde.

Éric Vigner se pose la même question. Lui qui a été professeur d'arts plastiques à Caen avant de devenir metteur en scène. Le théâtré, pour lui, ne peut plus être montré dans une structure dramaturgique classique : "Les choses ne vont pas ainsi aujourd'hui, le monde est fracturé, on ne peut voir que par petits bouts, par fragments. De la mise en confrontation de ces fragments naîtra peut-être quelque chose d'un nouveau monde, je ne sais pas lequel." Ce que disait déjà, avec d'autres mots, Claude Régy, qui vient de présenter au Quartz Chutes de Grégory Motton. En tout cas, pour Éric Vigner, qui travaille toujours à partir de la réalité du lieu de la représentation (usine désaffectée ou petit théâtre du Quartz), avec le souci de mettre le spectateur dans le spectacle, "le théâtre reste encore un des seuls endroits où les gens s'écoutent les uns les autres."