Le Télégramme
10 novembre 1993
Théâtre : La pluie d'été de Marguerite Duras
Pour deux soirées, l'ADC accueille au théâtre de Quimper La pluie d'été, de Marguerite Duras.
Ce spectacle, mis en scène par Éric Vigner, est interprété par de jeunes acteurs éblouissants, issus du Conservatoire national supérieur d'Art dramatique.
Créé à Brest, au Quartz, le mois dernier, la pièce à séduit, par le texte d'abord, mais aussi par l'interprétation vive, joyeuse, ainsi que par l'inspiration d'Éric Vigner.
Une rencontre
Éric Vigner raconte le pourquoi de son désir de monter ce spectacle : en 1984, Marguerite Duras a fait un film intitulé Les enfants : "Pendant quelques années, le film est resté pour moi la seule narration possible de l'histoire. Mais, souvent, je pensais à ces gens, ces personnes que j'avais abandonnées et un jour j'ai écrit sur eux à partir des lieux de tournage, de Vitry. Pendant quelques mois, ce livre s'est intitulé Les ciels d'orage, la pluie d'été, j'ai gardé la fin, la pluie".
Le savoir
La pièce, le roman, c'est la relation entre les enfants et les parents, avec les autres enfants, le monde de l'école pour Ernesto et ses rapports avec l'instituteur et, à travers lui, la connaissance.
Témoin ce dialogue entre Ernesto et l'instituteur :
L'instituteur : Donc, si je vous suis bien, d'aller à l'école, non plus, ce n'est pas la peine... ?
Ernesto : Ce n'est pas la peine de même Monsieur, c'est ça...
L'instituteur : et pourquoi Monsieur ?
Ernesto : Parce que c'est pas la peine de souffrir.
L'instituteur : On apprend comment, alors ?
Ernesto : On apprend quand on veut apprendre, Monsieur.
L'instituteur : Et quand on ne veut pas apprendre ?
Ernesto : Quand on ne veut pas apprendre, ce n'est pas la peine d'apprendre.
L'instituteur : Comment savez- vous, Monsieur Ernesto, l'inexistence de Dieu ?
Ernesto : En ne pouvant pas faire autrement sans doute Monsieur... Comme ça se passe, il me semble que j'ai dû le savoir une fois. Et puis j'ai oublié...
L'instituteur : Qu'est-ce que vous entendez par : j'ai dû le savoir ?
Ernesto : Comment voulez- vous que je le sache Monsieur ? Vous ne le savez pas vous- même... Vous dites n'importe quoi, il me semble..."