Le Nouvel Observateur
25 novembre 1993 · Nita Rousseau
ÉRIC VIGNER, Jouons sous la pluie
"Il a la vigilance du fauve et le regard du poète", dit Jean Audureau d'Éric Vigner, metteur en scène de 33 ans, fou de textes. Son théâtre est une aventure particulière où il mêle (nous l'avons vu dans la Maison d'Os et le Régiment de Sambre-et-Meuse) un véritable auteur, une jeune troupe, un lieu insolite et, inéluctablement, le contact direct avec le public.
Cette fois-ci, le coup de coeur d'Éric se porte sur le personnage d'Ernesto de Marguerite Duras, ce fils d'immigrés installés à Vitry. Déjà présent dans les Enfants, film que la Duras réalisa en 1984, il l'est aussi dans la Pluie d'été, récit publié chez POL en 1990. Fragile et céleste, Ernesto - âgé entre 12 et 20 ans - s'est doté de deux objets sacrés : un livre brûlé et un arbre mythique. Il refuse d'aller en classe "parce qu'à l'école on m'apprend des choses que je ne sais pas". Raison trop évidente pour être énigmatique.
Après le rodage du spectacle au Conservatoire puis au Stella, cinéma brestois des années 50 (devant une Marguerite D. émerveillée !), voici la compagnie Suzanne M. d'Éric Vigner au Théâtre de la Commune-Pandora d'Aubervilliers (à partir du 27). Le livre à la main, les acteurs donnent à entendre la Pluie d'été, en équilibre entre lecture et jeu théâtral. Et parmi les mots de Duras, cette parole à son image : "Le monde il est loupé, monsieur, ce sera pour le prochain coup..."