Le Monde · 2 mars 2004 · "... OÙ BOIVENT LES VACHES."

Le Monde · 2 mars 2004 · "... OÙ BOIVENT LES VACHES."
"Dubillard a inventé quelque chose d'incroyablement précurseur : un monde éclaté qui se constitue par liens."
Presse nationale
Avant-papier
Fabienne Darge
02 Mar 2004
Le Monde
Langue: Français
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Le Monde

2 mars 2004 · FABIENNE DARGE

Le Théâtre du Rond-Point à Paris, programme huit pièces du poète et dramaturge, montées par différents metteurs en scène, dont sa fille, qui souhaitent remettre à l'honneur un auteur précurseur, à l'univers noir et incongru.

L'absurde visionnaire de Roland Dubillard

Éric Vigner, 44 ans, met en scène "...Où boivent les vaches.", pièce créée par Roger Blin en 1972 et montée par Roger Planchon en 1983. Vigner avait aussi monté La Maison d'os en 1991.

"Pour moi, c'est quelqu'un d'extrêmement important, puisque j'ai commencé ma vie de metteur en scène avec lui, et que c'est une de ses phrases qui a accompagné la création de ma compagnie, Suzanne M : Mieux vaut parler comme on veut que comme il faut. Ou alors, je vais me taire. C'est à choisir."

Sur le plan dramaturgique, il a inventé quelque chose d'incroyablement précurseur : un monde éclaté qui se constitue par liens - cette façon de construire le monde est aujourd'hui très vivante pour des jeunes gens baignant dans Internet. En même temps, il pose des questions humaines très simples, très concrètes, sans aucun point de vue moral : La Maison d'os, par exemple, est une pièce sur l'abandon de la mort.

"...Où boivent les vaches." dont le titre vient d'un poème de Rimbaud, La Comédie de la soif, est un manifeste de résistance artistique et poétique qui a pris une actualité particulière quand nous l'avons créée, à l'automne 2003, pour l'ouverture du Grand Théâtre de Lorient. C'est une histoire à la fois violente et drôle, celle de ce poète dont on ne sait pas vraiment s'il est vivant ou mort, et qui refuse une commande du gouvernement. Pour finir par construire, de sa propre initiative, une fontaine de connaissance, constituée de toutes les figures, de tous les personnages qui habitent sa tête et son corps. Il y a quelque chose de très organique dans l'écriture de Dubillard, quelque chose qui nous dit qu'on a la chance d'être encore vivants. Et puis, un auteur qui arrive à nous faire rire, au début du XXIe siècle, et rire avec des choses essentielles de notre existence...