Ouest France
4 octobre 1998 · Odile Lestrohan
Marion, romantique d'aujourd'hui
ÉRIC VIGNER a créé la pièce de VICTOR HUGO à Lorient avant la tournée.
Écrite au siècle dernier par VICTOR HUGO jeune, mais située au début du XVIIe, Marion de Lorme devient, avec ÉRIC VIGNER, une oeuvre d'aujourd'hui. Le metteur en scène, directeur du CDDB-théâtre de Lorient, propose une vision contemporaine de la pièce, d'autant plus accessible que c'est le texte, la limpidité de son style et l'actualité de ses propos qui sont, avant tout, restitués au public.
L'histoire de Marion, la courtisane entourée d'amants et qui rencontre Didier, en espérant échapper à son destin, réunit des thèmes romantiques: l'amour absolu, la fascination de la mort. Mais le romantisme, ici, n'est ni grandiloquent ni larmoyant. Le texte n'est jamais pris au pied de la lettre; la distance, créée notamment par le jeu décalé des comédiens, fait éclore toute sa force. Le rythme de l'alexandrin emporte le spectateur, déjà convaincu par un dispositif scénique très épuré et d'une grande beauté plastique, par la tonalité ambrée de l'ambiance ou encore par la musique de l'ensemble Matheus qui enrichit le spectacle de sa respiration.
Ancré dans son temps par VICTOR HUGO, sous couvert de situation historique, Marion de Lorme parle aussi à la nôtre, quand il s'agit de critiquer le pouvoir, la tyrannie du prince et son bon plaisir, ou la peine de mort. Si l'on ne voit pas Richelieu—tellement présent, pourtant ! — la figure du roi, summum de futilité, donne lieu à des moments très drôles. Car rien n'est moins monocorde que la pièce qui alterne légèreté et drame, retenue et mouvement. Grâce à l'énergie des comédiens et à la grâce de Jutta Johanna Weiss dans le rôle-titre, il en émane une poésie qui traverse les temps.