Le Télégramme
30 septembre 1998
Un manifeste romantique et politique
Le CDDB de Lorient a choisi, pour ouvrir sa nouvelle saison, de porter à la scène une oeuvre majeure de Victor Hugo, Marion de Lorme.
C'est Éric Vigner qui signe ici la mise en scène de cette pièce dramatique qui, en son temps, se vit interdire par la censure, sous le prétexte d'allusions politiques. Pour offense à Louis XIII, fut-il dit, la pièce ne put être présentée qu'en 1831, soit trois ans après son écriture, au moment où la révolution culturelle emboîtait le pas aux changements sociaux.
Marion de Lorme conte, en cinq actes et en vers, la vie mais surtout les amours tumultueuses d'une courtisane, Marion, partagée entre Didier, roturier généreux, et Saverny, seigneur libertin. Les deux hommes se provoquent en duel puis sont exécutés, les duels ayant été condamnés sous Richelieu.
Au-delà du romantisme dramatique, Victor Hugo a tenu, au travers de cette oeuvre, à relater le conflit, entre l'individu et la société, c'est-à-dire la destruction ou la corruption par l'ordre politique des forces les plus naturelles du coeur, du corps et de l'esprit.
A l'instar d'Hugo, Éric Vigner a voulu adapter Marion de Lorme pour assimiler le théâtre à une tribune, et sa dramaturgie, à l'inverse de celle du vaudeville, consiste à opposer la scène à la salle, le spectateur à lui-même.
Grâce à cette histoire et à l'Histoire plus largement, le metteur en scène privilégie l'interrogation et l'implication de l'auditoire : "Le manifeste romantique sera poétique et politique, il sera tout ou il ne sera pas".
Ainsi, les dix comédiens évoluent-ils dans cet univers où la folie du paradoxe s'oppose à celle de l'utopie. Cinq musiciens de l'Ensemble Matheus accompagnent cette quête de liberté, toujours actuelle aux yeux de chacun.