Le Télégramme
27 novembre 1998 · Pascale Grousset
La Passerelle : difficile, Marion De lorme
Salle mi-remplie, mercredi soir, pour la seconde représentation de Marion De lorme par le Théâtre de Lorient dans une mise en scène d'Éric Vigner. Un moment de théâtre exigeant.
Le public était prévenu. Cette adaptation de la pièce romantique de Victor Hugo allait se faire dans le plus pur style dépouillé. Pas de décors, ou presque. Très peu d'effets de costumes. Un jeu d'acteurs réduit à sa plus simple expression. Bref, tout pour le texte.
Et pour couronner le tout, les acteurs, en rang d'oignon sur la scène nous offrent un quart d'heure de "leçons" avant de démarrer. Un quart d'heure pendant lequel ils nous rappellent que la pièce fut interdite pendant deux ans. Un quart d'heure pendant lequel, encore, ils nous remercient de nous être faits "public" et d'avoir accouru aux "transformations de l'art" tandis que tant d'autres "sollicitations matérielles nous entourent".
Quelques petites concessions
Puis Marion De lorme peut démarrer. Avec tout le parti pris d' Éric Vigner dont on connaît le goût pour le théatre contemporain... On voit la troupe actionner les quelques menus éléments de décor en coulisses et on essuie quelques jeux de lumières et autres bruitages - très contemporains - volontairement décalés avec cette histoire de cape et d'épée que reste Marion De lorme.
Au bout d'une heure, quelques petites concessions émergent : les notes d'une valse de Strauss, la robe de Marion. Mais on reste délibérément hors du registre romantique. Dans cette mise en scène il n'y en a - on nous avait prévenu - que pour le verbe. Autrement dit que pour les alexandrins... c'est dur de ne pas décrocher. Ce que font quelques poignées de spectateurs qui quittent le public (il est 21 h 10, le spectacle a débuté à 19 h ).
Mais cette mise en scène ardue offre l'occasion de mesurer les performances des acteurs. Un grand bravo à la magistrale interprétation de Jutta Johanna Weiss, une Marion très présente et dont la diction - avec une pointe d'accent autrichien - est parfaite et le ton absolument conforme à l'ambiance de chaque scène. Didier a un peu plus de mal à s'imposer et dans le premier dialogue avec Marion, on peut lui reprocher de parler sur le ton avec lequel il irait tout bonnement acheter une baguette de pain. Difficile, cette Marion De lorme d'Éric Vigner l'est. Même ennuyeuse parfois. Mais elle a le mérite de nous inviter à méditer sur le théâtre d'Hugo, dans ce qu'il a voulu dire - au delà de l'agrément romantique - en assimilant la scène à une tribune où le drame prend toute sa dimension.