Arts et Vie Plus
Décembre 1998
Au secret d'un Théâtre. Le Théâtre de la Ville
Rendez-vous en début d'après-midi dans le hall du Théâtre de la Ville (place du Châtelet, à 2 pas de l'île de la Cité). Accueil particulièrement amical par une responsable du théâtre proche d'Arts et Vie, et visite sous sa houlette de ce lieu théâtral, à la pointe de la création, dans des murs chargés d'histoire.
Réalisé - comme le théâtre du Châtelet en vis-à-vis - par l'architecte Davioud, le théâtre, inauguré en 1862, porta des noms divers avant de trouver sa célébrité sous le nom de Sarah Bernhardt, qui le dirigea 25 ans, jusqu'à sa mort en 1923. Les difficiles années 40 furent marquées, elles, par la personnalité de Charles Dullin. La décennie 55-65 fut celle, culturelle et florissante, du Théâtre des Nations, qui accueillit chaque printemps, des spectacles du monde entier.
En 67, le Conseil de la ville de Paris confia à Jean Mercure la mission d'étudier la création d'un théâtre municipal moderne, à même de s'adapter à tous les répertoires et formes de créations artistiques. Le projet présenté visait à inscrire une salle de conception totalement contemporaine, dans l'écrin, jalousement préservé, des murs et façades de style Napoléon III.
En novembre 1968, le nouveau "Théâtre de la Ville" ouvrit ses portes au public parisien. La visite privilégiée qui nous y est réservée nous le fera découvrir côté cour et côté jardin. Salle de 1 000 places en gradins, toutes avec parfaite visibilité, scène pratiquement de plain-pied ; plateau modulable doublé par un plateau de répétition de même dimension et totalement insonorisé (ce qui permet aux comédiens de répéter alors même que se déroule une représentation); magasin de décors pouvant contenir les décors de 4 spectacles, atelier de costumes et salle de sport... La forme physique étant indispensable aux comédiens !
Faut-il ajouter que la loge de Sarah Bernhardt est devenue musée ? En fin de visite, dîner dans un restaurant du quartier. À 20 h 30, représentation de Marion de Lorme, drame de Victor Hugo, mis en scène par Éric Vigner, qui dit à propos de cette oeuvre : "Représenter Marion de Lorme est une nécessité. Pas un devoir moral, ni une obligation envers l'Humanité, une nécessité pour le théâtre seulement, mais sérieuse. Cette pièce s'impose à un metteur en scène".
Guy Rosa, professeur à l'Université de Paris VII écrit pour sa part, en analysant les drames d'Hugo en général et Marion de Lorme en particulier : "Le sujet même des drames d'Hugo : le conflit entre l'individu et la société, c'est-à-dire la destruction ou la corruption par l'ordre politique des forces naturelles du cœur, du corps et de l'esprit. Hugo assimile constamment le théâtre à une tribune. et sa dramaturgie - à l'inverse de celle du vaudeville - consiste à opposer la scène à la salle, le spectateur à lui-même. (...) Marion aime, Didier se bat pour elle ; Didier doit mourir et Marion redevenir, pour le sauver, Ia chose sans pudeur d'hommes sans honneur. Dans la première version, Didier ne lui pardonnait pas et mourait irréconcilié. Marie Dorval, qui jouait Marion, obtint la correction de la dernière scène".