Paroles d'artistes · 88/98 · LA PLUIE D'ÉTÉ
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Paroles d'artistes · 88/98
Lettre d'ÉRIC VIGNER à JACQUES BLANC.
Cher Jacques,
Le compagnonnage avec Brest s'est fait immédiatement après mon premier spectacle : La Maison d'Os de Roland Dubillard. C'était autour d'un lieu, une usine à matelas désaffectée à Issy-les-Moulineaux, que nous nous sommes rencontrés. Deux ans plus tard avec Claude (Becker), nous avons cherché des lieux pour faire exister le rapport juste entre l'écriture et l'espace, le théâtre et les spectateurs pour les autres créations : "ne plus être devant, mais bien être dedans" voilà la question. Si je devais emporter une seule chose du souvenir avec Brest, malgré la création du Régiment de Sambre et Meuse, l'accueil de L'Illusion Comique et de Marion de Lorme, ce serait La Pluie d'été dans cet ancien cinéma des années cinquante le Stella à Lambézellec dans la banlieue brestoise : ce serait la venue de Marguerite (DURAS) et son arrivée à 20h59, à une minute du commencement (750 km en voiture, Bénédicte conduisant) et le regard de Marguerite, son œil sur le spectacle. Le témoignage, je ne peux pas le dire. Bénédicte l'a fait et je me reconnais dans son écriture. C'est cette parole que je te donne pour ce livre sur les dix ans du Quartz.
ÉRIC VIGNER
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Jean-François Josselin
De toutes les soirées organisées par le magicien discret, secret Jacques Blanc, auxquelles il m'ait été donné d'assister, la plus étrange mais aussi la plus charmante fut peut-être, sans doute La Pluie d'été, ce spectacle inspiré à Éric Vigner par un texte de Marguerite Duras. On disait Marguerite malade. On ne l'espérait pas. Elle fut à l'heure, avant l'heure même avec son jeune compagnon Yann Andrea. Plus durassime que jamais avec son visage rond indochinois, ses yeux étincelants de vie, sa bouche de vamp hollywoodienne.
Il y avait là aussi, je me le rappelle, Michel Cournot et Martine Pascal qui s'apprêtait à jouer La Musica Deuxième avec sa maman, l'exquise Gisèle Casadesus.
La scène, c'est le cas de le dire, ne se passait pas au Quartz mais à Lambézellec dans un vieux cinéma de quartier, le Stella. Jacques Blanc, à l'entrée de la salle, avait salué Marguerite avec des mots comme : nous sommes heureux de vous accueillir au Stella de Lambézellec et Marguerite avait cru comprendre qu'il s'agissait non pas d'une salle mais d'une dame de vieille noblesse bretonne. Aussi bien commença-t-elle par maugréer : "eh bien, moi, je ne suis que Marguerite Duras." Mais ce malentendu ne gâcha pas son plaisir, ni le nôtre. Car le spectacle d'Éric Vigner était une belle réussite. La plus satisfaite fut sans discussion Marguerite. Debout sur son siège, elle était si petite ! Elle donna le signal des applaudissements et veilla à ce qu'on les prolongeât jusqu'au déraisonnable. C'est qu'elle s'aimait, Marguerite - ce qui est autant une forme de simplicité que d'orgueil.
Et puis vint le moment des libations. On savait Marguerite formellement interdite d'alcool. Elle y alla de la coupe de champagne jusqu'à l'heure où le carrosse de Cendrillon devient citrouille. Et où nous décidâmes d'aller nous coucher. Mais pas Marguerite. Avec Yann, Éric et les comédiens, elle descendit la rue de Siam jusqu'au quartier des bouges où de minuit à l'aube elle renoua avec ses amis les marins dont certains, c'est sûr, devaient venir de Gibraltar...
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