Libération · 22 avril 1992 · LE RÉGIMENT DE SAMBRE ET MEUSE

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Presse nationale, Critique

Libération

22 avril 1992 · Laurence Hetier

Sombre et Meuse

Sur fond de tirs d'artillerie, sept jeunes comédiens passent en revue les étapes de la vie militaire: "Sambre et Meuse", une parade d'ÉRIC VIGNER, au théâtre d'Aubervilliers.

Que peut être la guerre pour la génération des 25-30 ans à laquelle appartient ÉRIC VIGNER, sinon une abstraction ? Une de ces idées à la fois puissantes et vagues, dont le récent conflit du Golfe aurait plutôt renforcé l'absence de visage et de réalité. Transformant l'obstacle en défi, la fine équipe révélée l'an dernier par un Dubillard explosif la Maison d'os, s'est tournée vers le passé pour nourrir sa création d'un bric-à-brac d'images et de réminiscences, à commencer par le titre inspiré d'un tube de la musique militaire.

De la malle aux souvenirs, le metteur en scène ÉRIC VIGNER a ressorti une poignée d'accessoires mythiques - vieux uniformes, bottes, galons, drapeaux, son du clairon - pour construire une série de tableaux qui flirtent tous avec l'idée de la guerre sans jamais (et pour cause !), l'appréhender de front.

Tandis que résonnent au loin les sifflements d'obus et les tirs d'artillerie, sept jeunes comédiens, tondus de frais et bottés de cuir passent en revue les étapes de la vie militaire depuis l'intronisation de la recrue jusqu'à la toilette des morts. Manoeuvres de soldats transformés en ballets, ordres gueulés du haut des cintres selon la logique de la hiérarchie, salon de coiffure surgissant du sous-sol, tout l'espace est mobilisé, pour privilégier l'effet de surprise, l'image incongrue, le gag ou le gros plan. Une manière de proclamer que le théâtre est art du son et du mouvement, du geste et de l'imagination.

Très vite pourtant - redites, manque de rythme -, le spectacle rencontre ses limites. Aux endroits même où elle devrait basculer, la mise en scène s'enlise, se banalise, comme si la violence lui filait entre les ddoigts. Les pantomimes de corps tombant sous le feu invisible de l'ennemi évoquent plus l'écroulement d'un château de cartes que la mort brutale on absurde d'êtres vivants. La maladresse se manifeste surtout dans la direction d'acteurs, dans l'impuissance des comédiens à donner vie, chair et sang aux fragments de textes choisis et organisés par ÉRIC VIGNER. La virulence de Céline, l'ambiguïté de Genet, la quête inlassable d'un jeune peintre (Franz Marc) débarqué depuis peu sous les bombes, se perdent et se dissolvent dans une récitation monotone. Le spectacle se trouve du coup réduit à une parade gentiment superficielle. La guerre n'est plus qu'un jeu d'enfants. "Geaudeamus"!

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Sujet: 
Une parade gentiment superficielle.
Date: 
22 Avr 1992
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