L'Express · 9 février 1995 · LA PLUIE D'ÉTÉ
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L'Express
9 février 1995 · Véronique Jacob
Duras, le retour
À l'affiche de deux salles parisiennes, Marguerite séduit à nouveau les metteurs en scène. Ils nous le confirment.
Les années 80 avaient nui à Marguerite Duras, dont l'activisme dans les médias avait éclipsé les qualités d'auteur. Même auprès des fidèles ne flottait plus cette odeur de sainteté qui entourait chaque publication. On poussa alors l'irrespect jusqu'à la contrefaçon stylistique. Cruel, forcément cruel... L'année 1995 pourrait bien être celle du retour en grâce : Duras est à l'affiche de deux théâtres parisiens.
Tout commença en mars 1993, lorsque le jeune et talentueux Éric Vigner conduisit un atelier au Conservatoire sur La Pluie d'été. Succès pour Ernesto, qui refuse d'aller à l'école parce qu'on y apprend des choses qu'il ne connaît pas, bénédiction donnée par l'auteur, et vôici ce "théâtre lu" commençant une tournée bien achalandée.
S'ensuivit Martine Pascal cherchant une pièce pour fêter les 60 ans de scène de Gisèle Casadesus, sa mère à la ville. Elle obtient les droits de la première version de Savannah Bay, un duo amoureux entre une jeune femme et une comédienne dans la splendeur de l'âge. Chaillot l'accueille, mise en scène par Jean-Claude Amyl, qui note que, "lorsque le subventionné s'empare d'un auteur, c'est qu'il est devenu classique ! Son oeuvre est fondatrice pour le théâtre contemporain, et n'a pas vieilli comme certaines pièces de Camus ou de Sartre".
Le théâtre privé réplique avec l'un de ses metteurs en scène les plus prolifiques, et voici Bernard Murat dirigeant Fanny Ardant et Niels Arestrup dans la Musica deuxième, l'ultime entrevue d'un couple dont le divorce vient d'être prononcé. On patientera pour Christian Rist, qui montera Le Square et Le Shaga au Vieux-Colombier.
Tous s'accordent pour célébrer le style durassien : "fulgurance de la langue" pour Éric Vigner ; "écriture solide à laquelle on ne peut rien changer sous peine de passer à côté du sens", assure Gisèle Casadesus ; "le choc des mots comme les enfants savent le pratiquer", commente Niels Arestrup. Fanny Ardant peut-elle dire aujourd'hui sans sourire : "Rien n'est plus fini que ça... de toutes les choses finies " ? "Oui, parce que ce n'est pas une écriture d'idées, mais une écriture qui épouse le cheminement suivi par le personnage. Il y aurait une difficulté s'il fallait rendre la réplique banale, quotidienne."
Éric Vigner s'amuse de ce que l'écrivain, en entendant sa concierge, s'était dit : "Ça, c'est du Duras." "Ce qui est émouvant dans son écriture, c'est que parfois elle patine, on le sent en jouant, et elle l'a compris en l'écrivant, mais elle ne gomme pas les faiblesses dans son texte."
Bernard Murat assure qu'"il n'y a pas de tics d'écriture chez Duras, mais un trop plein d'émotion dans la plume". La parodie maniériste serait-elle datée ? Aura-t-elle été le purgatoire de Marguerite Duras ? Réponses sur scènes !
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