Culturofil · 23 octobre 2009 · SEXTETT

Culturofil · 23 octobre 2009 · SEXTETT
Une comédie en demi-teinte
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Critiques
Delphine Kilhoffer
23 Oct 2009
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Culturofil

23 octobre 2009 · Delphine Kilhoffer

Le jeune homme et la mort

Simon doit laisser en suspens des négociations d'un important contrat sur lequel il travaille depuis longtemps afin de venir assister à l'enterrement de sa mère. Après les funérailles, il décide de passer la journée dans la maison maternelle vide pour y faire un premier inventaire. Alors qu'il aspire à la tranquillité, il est constamment dérangé par des femmes : Claire, la collaboratrice qui l'a accompagné pour s'assurer que tout irait bien, deux voisines musiciennes qui veulent le réconforter en lui chantant des lieder de Franz Schubert, ou son ex branchée latex qui aimerait bien tirer quelques gratifications sexuelles de son passage...

Dans Sextett, Rémi De Vos utilise la comédie pour explorer deux thèmes classiques, fortement liés l'un à l'autre, le deuil et le désir. Au centre du récit se trouve Simon, un anti-héros qui subit les évènements, que ce soit le décès de sa mère qui tombe au pire moment de sa carrière ou ses femmes qui lui tournent autour sans qu'il comprenne toujours ce qu'elles attendent de lui — même la chienne des voisines va s'intéresser à lui de très près !

En cela, l'auteur souligne et illustre l'état de choc dans lequel met le deuil : la façon dont Simon vit les situations au premier degré, dont il passe par différents états émotionnels qu'il ne maîtrise pas et peut même se laisser entraîner, dans son trouble, vers des pulsions incongrues. Le malaise ainsi généré chez le spectateur est par contre cassé par une fin en queue de poisson, un retournement facile qui enlève de leur crédibilité aux scènes précédentes. Est-ce la marque d'un manque d'inspiration, ou l'auteur n'a-t-il pas totalement assumé les aspects les plus dérangeants de sa création et a préféré les minimiser ? Quelle qu'en soit la raison, un final différent aurait pu emmener la pièce plus loin.

Mais une bonne partie de l'intérêt de Sextett réside dans ses interprètes, avec en tête Micha Lescot et sa longue silhouette désinvolte. Il glisse, danse, tombe, tournoie, se sort avec aisance des passages délicats et fait preuve encore une fois de son excellent timing comique, que nous avions déjà apprécié la saison dernière dans La Seconde Surprise de l'amour, mis en scène par Luc Bondy.

Les cinq comédiennes qui l'entourent ne sont pas en reste, avec notamment le retour sur les planches de Maria de Medeiros : avec Jutta Johanna Weiss, dans le rôle des voisines musiciennes, elles forment un duo qui n'est pas sans rappeler l'univers de David Lynch.

On retrouve dans cette pièce les marques de fabrique de mise en scène d'Éric Vigner : un décor assez dépouillé, presque pas d'accessoire, l'opposition noir/blanc dans les costumes, un jeu codifié qui ne cherche pas forcément à reproduire des attitudes « naturelles ». Des choix qui fonctionnent plutôt bien avec l'aspect étrange, un peu décalé, du texte.

Sextett est donc une comédie en demi-teinte, fort bien servie par les belles compositions des comédiens, mais dont les défauts — principalement le dénouement -, donnent malheureusement à l'ensemble un caractère un peu vain.