Le Télégramme
20 avril 2010
Bardé par l'Adriatique, pris en tenaille entre le Monténégro, le Kosovo et la Grèce, l'Albanie est un pays qui sort de 50 ans de tyrannie et de repli sur soi. Tirana, le Théâtre national, créé en 1945, sous la dictature, portera un théàtre réaliste-socialiste, fortement influencé par l'URSS. Le répertoire étranger n'y sera toléré qu'à condition qu'il ne fasse pas preuve de révisionnisme ou ne fasse pas atteinte aux bonnes mœurs (le premier baiser sur scène devra attendre 1988).
Aujourd'hui, le Théâtre national s'ouvre, et accorde une place importante aux textes français. C'est lors du festival d'Avignon 2006 qu'Armand Bora, alors directeur, rencontre Éric Vigner. Leur collaboration va s'inspirer du premier De Lorient à L'Orient, semaine autour de la culture coréenne, en 2004, imaginée à la suite de la collaboration de Vigner avec des acteurs coréens pour Le bourgeois gentilhomme.
En noir et blanc
En 2007, Vigner va effectuer plusieurs séjours en Albanie, à la découverte d'une culture et d'équipements. La rencontre est faite, il va falloir trouver un texte, puis proposer un univers et faire se croiser les cultures en résonance. Il raconte: "II faut imaginer un pays un peu resté dans les années 50, sans beaucoup de moyens. Alors, la première chose qu'on a faite, c'est de récupérer ici du matériel pour l'apporter là-bas. À Tirana, une des rares choses qu'ils avaient, c'est une toumette, on s'en est donc servi...". Une tournette que l'on retrouvera sur la scène d'Othello, créé plus tard, largement inspiré de la scénographie en noir et blanc du Barbier de Séville, que Vigner choisit de monter à Tirana. "Une pièce sur la révolution, la jalousie, qui intègre de la musique, une comédie, avec une mise en scène moderne, qui a scotché le public albanais, habitué à voir des canapés sur scène...". Inspiré par les photos des Marubi, en noir et blanc, par les Moucharabiehs orientaux, par les costumes traditionnels, l'imagerie de l'empire Ottoman, les dentelles...
Des rencontres musicales
Cette pièce, jouée un mois en 2007, à Tirana, avec des comédiens, des musiciens et des chanteurs albanais, a ensuite tourné dans les Balkans, puis dans des festivals, et sera rejouée à Lorient les 27, 28 et 29 avril, au Grand théàtre, avec des surtitrages en français. "Ce sont des gens qui ont le sens de la fète, de la famille, de la chaleur, ce sera quelque chose de fort, pour elle, de venir ici. C'est la première fois qu'ils viennent en France." Autour de ces acteurs et musiciens, les rencontres lorientaises vont être nombreuses, avec des musiciens bretons, comme Erik Marchand, ou des musiciens de jazz, comme Emmanuel Bex (auteur d'improvisations sur Pessoa). Des résonances fortes, entre musiques modales, musique traditionnelle bretonne, musique tsigane et polyphonies albanaises.