Actualité de la Scénographie · 15 avril 1995 · SAISON 1996

Actualité de la Scénographie · 15 avril 1995 · SAISON 1996
Ouverture et aménagement de la salle du CDDB
Revue spécialisée
Jean Chollet
15 Avr 1995
Actualité de la scénographie
Langue: Français
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Actualité de la Scénographie

15 avril 1995 · JEAN CHOLLET

C'est le 12 janvier dernier, que le maire de Lorient, Jean-Yves Le Drian et Jacques Baillon, directeur du Théâtre et des Spectacles, ont inauguré le nouveau Centre dramatique de Bretagne, dont la direction a été confiée à ÉRIC VIGNER.

Le petit bâtiment de la rue Claire Droneau a bénéficié pour la circonstance d'un réaménagement partiel, afin de mieux répondre aux besoins de création et d'accueil souhaité par son nouvel hôte, et par là-même tendre à doter la ville d'un lieu mieux adapté à son ambition culturelle. Car depuis la Seconde guerre mondiale, Lorient est orphelin de son Théâtre Municipal, disparu sous les nombreux bombardements qui anéantirent la ville entre 1940 et 1944.

Agglomération portuaire de près de 110.000 habitants, construite sur la rive droite du Scorff, Lorient dispose de cinq ports (pêche, militaire, voyageurs, commerce, plaisance) qui contribuèrent, dans différents registres, à sa renommée depuis le XVllème siècle. Dans son aspect actuel, la cité reconstruite témoigne de l'architecture dominante des années cinquante, où économie et fonctionnalisme approximatif prirent le pas sur une recherche esthétique urbaine, à de rares exceptions près. La reconstruction d'après-guerre oeuvrait dans l'urgence. Le bâtiment qui abrite le Centre dramatique s'inscrit dans ce courant et fut construit sur un ancien marécage dans le quartier de Merville.

Propriété de l'archevêché, il jouxte à l'arrière un terrain qui abrite une maison de retraite ecclésiastique, et fut dans un premier temps utilisé comme cinéma paroissial, bénéficiant par la suite du label "Art et Essais", avant de devenir Centre dramatique régional pluridisciplinaire. Sous la direction de Philippe Froger et Jean Le Scouarnec (Théâtre Quotidien de Lorient), puis sous la seule responsabilité de ce dernier, le centre connut un développement culturel important et bénéficia progressivement de quelques aménagements (gradinage, équipements régie, profondeur de scène, porteuses...) notoirement insuffisants, reflet des budgets minimalistes engagés. La venue d'ÉRIC VIGNER à Lorient, significative d'une nouvelle dynamique artistique, mobilise État, Région et Ville pour dégager un budget global de 2,8 millions de francs nécessaires à une restructuration partielle. Celle-ci porte essentiellement sur la scène et la salle, avec une rénovation de l'espace d'accueil.

Côté scène, ÉRIC VIGNER a souhaité en priorité disposer de dessous dont l'utilisation s'inscrit dans ses applications théâtrales. L'ancien plateau déposé, l'excavation du volume des dessous posa quelques problèmes, puisque éboulements et infiltrations d'eau perturbèrent les travaux et nécessitèrent la réalisation d'un cuvelage de béton armé étanche et la reprise en sous-oeuvre du mur d'arrière scène. Ainsi conçus, les dessous disposent d'une hauteur de 2.00 mètres sous un plateau plat constitué de trappes en sapin trois plis de 1.00 x 1.00. Si le système de support métallique des trappes semble contraignant (temps de démontage), les dessous sont facilement accessibles par un escalier de 1.00 de largeur coté cour. Dotée de 8, 50 de hauteur sous cintres au gril fixe (19 porteuses dont 4 électriques + 3 porteuses couloir), de passerelles techniques à 6,50, la scène dispose d'une ouverture variable de 9,00 à 11,00 mètres, pour une profondeur de 11,30 mètres. Intégré à la salle sans cadre de scène, l'utilisation du plateau n'autorise qu'une cinquantaine de mètres carrés de stockage sur l'arrière-scène. Quatre loges placées au niveau supérieur de l'arrière- scène sont desservies par un escalier en colimaçon, et l'accès décor s'effectue latéralement côté jardin directement depuis une cour accessible à des camions au cubage limité.

Dans la salle qui bénéficie d'une excellente acoustique et d'un très bon rapport frontal avec la scène, la seule innovation tient au remplacement des 338 sièges (bleu-gris et bois) qui composent la jauge sur un gradinage existant maintenu offrant une très bonne visibilité. En régie, placée en fond de salle, extension à 96 circuits du jeu d'orgue. Les trois passerelles d'origine réparties en plafond sont maintenues, et globalement les conditions de travail et de sécurité de l'équipe technique réduite animée par Joseph Le Saint ont été améliorées.

Le reste des aménagements effectués porte sur le hall d'accueil, placé sous les locaux administratifs de l'étage, avec la pose d'un superbe parquet du XVlle siècle récupéré dans un ancien monastère jurassien qui confère à l'espace un climat chaleureux, tout en évoquant, dans cette cité maritime, les bateaux du passé et leur relation avec la machinerie théâtrale. Lors de l'inauguration, l'absence (provisoire ?) de faux-plafond laissait apparaître d'anciens hourdis de terre cuite aux tons rosés qui confortaient un ambiance ouverte sur l'imaginaire propice à diverses manifestations. Espérons que son hôte aura pu résister aux pressions de certains édiles davantage sensibles aux nettetés impersonnelles des formes, pour lui conserver son authenticité.

Telle qu'elle se présente aujourd'hui, cette petite structure autorise des conditions de création et d'accueil qui demeurent limitées. Tant par son équipement que par l'absence contraignante de salles de répétitions, de stockage adapté, ou encore d'atelier de décor et de costumes, qui ne pourraient voir le jour que grâce à une problématique extension.

Malgré ces lacunes, ce lieu convivial devrait permettre à ÉRIC VIGNER de poursuivre son travail rigoureux et favoriser une ouverture souhaitée vers les jeunes auteurs et les compagnies, tout en conquérant un public, sans renier ses exigences artistiques. Mais ce Breton d'origine, qui retrouve sa région, a aussi d'autres ambitions pour elle.

Explorateur d'espace théâtral, il lorgne vers d'autres lieux implantés dans le district du Pays de Lorient, comme la base de sous-marins de Keroman, la citadelle du XVlle siécle de Port-Louis, le cimetière des bateaux de Lanester, ou encore la carrière Polvern d'Hennebont. Lieux détournés par exemple, à l'occasion d'un festival d'été pour lequel il oeuvre déjà avec la complicité d'Alain Desnot, transfuge pour l'occasion du Festival d'Automne. Lorient nouveau phare culturel du sud-Bretagne, c'est peut-être pour demain.