Vaucluse Matin
17 Juillet 2012 · ANNE CAMBOULIVES
AlIégorie d'un monde en déclin ?
Voilà une pièce très contemporaine, par les sujets abordés, et pourtant intemporelle, Gageons qu'elle vieillira bien, car elle est riche de tout ce qui fait, ou plutôt défait, notre fragile humanité. L'auteur, Christophe Honoré, magnifiquement servi par le metteur en scène, Éric Vigner, brosse le portrait d'une société cruelle et désenchantée. Le désir y est présent, mais pas le sentiment. Toute chaleur a disparu.
Par une nuit glaciale, alors que souffle un vent méchant, un jeune se fait massacrer à coups de casque de moto. Il était arabe, mais ce n'est pas un crime raciste, malgré ce qu'en dit la rumeur. Il était toxico, avait des problèmes d'argent, mais ce n'est pas non plus un règlement de compte. Alors quoi ? Ahmed était un "pédé", "une pédale, une fifille, un enculé", voilà la raison de sa mort en direct. Mais peut-être cela aussi n'est-il qu'un prétexte. Et si Ahmed était juste mort pour rien, juste à cause de la bêtise et de la lâcheté ? En groupe on se sent tellement plus fort... Jeremy soupçonne la vérité. Va-t-il dénoncer les assassins ? Et si c'était enfin une chance, pour Jeremy, ce bannissement, la faculté de se sauver d'un monde en déclin ?
Saluons la mise en scène d'Éric Vigner et la prestation de ses comédiens de l'Académie, dont la jeunesse et la diversité des origines servent si bien le propos. Il a su tirer un parti étonnant de la cour du lycée Mistral, utilisée pour la première fois par le Festival.