PIERRE CONSTANT ou la métaphore du funambule · Valérie Marin La Meslée
Extrait
Acteur, metteur en scène, mais aussi acrobate, jongleur et funambule, Pierre Constant n'a jamais croisé Jean Genet, et pourtant s'il faut parler de rencontre, en voici une exemplaire et magnifique, autour d'un texte : LE FUNAMBULE.
"À TOUTES LES SECONDES J'AI RESPIRÉ AVEC LE FUNAMBULE,IL EST DANS MA VIE LA RENCONTRE QUE CHACUN ATTEND SOUS UNE FORME OU UNE AUTRE".
À l'âge de 30 ans, le comédien découvre l'oeuvre romanesque et théâtrale de Jean Genet.
"C'ÉTAIT DIEU ET LE DIABLE. J'AI ÉTÉ MIS À NU. GENET VOUS SOMME DE VOUS SITUER DEVANT LUI. SA LITTÉRATURE VOUS OBLIGE".
La deuxième rencontre, au cours d'un enregistrement à la radio, est encore plus fracassante. Constant entend Jean Topart dire LE FUNAMBULE, un texte qu'il ne connaissait pas. c'est une révélation, située dans une période où le comédien approchait de nouveau le travail du fil.
"GENET ME DISAIT TOUT CE QUE J'ESSAYAIS D'APPRENDRE CONFUSÉMENT, IL ME L'EXPLIQUAIT PAR SA PHRASE POÉTIQUE".
Dès lors, Constant n'attend plus que le moment de mettre ce texte en scène "DANS MES JAMBES, MA BOUCHE, MON CORPS". Cette attente durera vingt ans (...) Pendant ces vingt ans, Constant apprivoise ce texte fondamental qui efface toutes les leçons de Jouvet et des autres."
"GENET ÉCRIT SUR L'ART DU FUNAMBULE MAIS AUSSI SUR L'ART DU POÈTE, ON TROUVE LÀ SON ÉTHIQUE, ET SA RELATION AUX AUTRES, ET À LA MORT".
LE FUNAMBULE devient "son" livre,'dont il connaît chaque mot. Tout y est: la terrifiante solitude de la création, chaque journée de l'artiste depuis sa "merde quotidienne" jusqu'au soir où il doit briller au firmament. Au fil de son travail, la règle d'or de Genet fortifie sa vie d'acteur, et de metteur en scène. Un an avant la mort de Genet, en 1985, redoutant d'être trahi par son corps, Pierre Constant met enfin en scène LE FUNAMBULE en Allemagne.
"JE ME DISAIS SI JE NE LE FAIS PAS, JE VAIS EN MOURIR, ÇA NE POUVAIT PAS ÊTRE UNE VELLÉITÉ".
Le fil de Pierre Constant n'est pas très haut, 1,50 m, parce qu'il ne situe pas là le danger. Il voit le fil comme une utopie, caractéristique du théâtre de Genet:
"C'EST LE THEATRE DE L'IMPOSSIBLE. ON TRAVAILLE POUR Y ARRIVER, ET ON N'Y ARRIVE PAS. POUR ABDALLAH, ET PLUS TARD POUR JACKY SUR LES CIRCUITS DE COURSE AUTOMOBILE, COMME POUR LES ACTEURS DE SON THÉÂTRE, GENET EXIGE QUE L'ON SE METTE EN DANGER".