SEXTETT
18 janvier 2010 · Yves Boudreau
Un monde de fantasmes, de comédie et de sexe
Un jeune homme, Simon (Micha Lescot), revient dans la maison de son enfance le jour même où il enterre sa mère. Il est accompagné de Claire (Anne-Marie Cadieux), une collègue de travail qui est amoureuse de lui, mais qui ne semble pas avoir ses faveurs. Gravitent autour de Simon quatre autres femmes, Jane et Blanche (Maria De Medeiros et Jutta Johanna Weiss), deux lesbiennes habitant non loin de la maison où vivait sa mère, Sarah (Johanna Nizard), une prostituée qui ressemble davantage à une poupée gonflable, et Walkyrie (Marie-France Lambert), une chienne qui se transforme en femme (ou une femme qui se transforme en chienne?).
Toutes ces femmes - à l’exception de Blanche - éprouveront une attirance sexuelle pour Simon, qui aura bien des difficultés à exprimer sa masculinité, à travers cette galerie de femmes bien particulières.
L’auteur de Sextett, Rémi De Vos, nous entraîne dans un monde de fantasmes, de comédie, de sexe et de musique. Pendant 1 h 15, les six comédiens se déploient sur une grande scène au décor minimaliste. Nous sommes dans un salon qui a été vidé de tous ses meubles. Dans ce salon, Simon reçoit, à tour de rôle, cinq femmes. Toutes, sauf une, vont lui manifester un désir sexuel qui ne se concrétisera jamais. Si on qualifie Sextett de comédie érotique, l’érotisme se retrouve beaucoup plus dans le propos que dans les gestes, à part une scène avec la chienne Walkyrie et le jeune homme.
Tous les personnages sont irréels, à commencer par celui de Simon. Micha Lescot, mince et élancé, bouge souvent comme un danseur; il exprime son malaise, sa joie ou sa tristesse par la gestuelle. Anne-Marie Cadieux, toujours aussi souveraine, interprète le rôle de Claire comme «un personnage sorti d’on ne sait où, avec son look des années 60». Les deux lesbiennes, complètement vêtues de noir - ce qui leur donne un petit look gothique - sont tout aussi déjantées. Elles chantent du Schubert en duo, et Maria De Medeiros (sous les traits de Jane, qui est plus bisexuelle que lesbienne) tente de charmer Simon en chantant en portugais. La putain Sarah, avec son visage et ses seins en plastique, est probablement celle qui fait le plus rire le public. Sa présence sur scène et la chanson qu’elle interprète en arabe font partie des moments les plus jouissifs de cette pièce.
Finalement, Marie-France Lambert, vêtue d’une blouse complètement transparente et portant un masque à la tête de chien, est troublante, à la fois par le propos qu’elle tient et par les gestes qu’elle pose face au jeune homme.
Plus dramatique qu’érotique
Mise en scène par Éric Vigner, Sextett, qui a été présentée à Lorient, en Bretagne, et au théâtre du Rond-Point, à Paris, avant d’être l’affiche ici, à l’Espace Go - qui fête cette année ses trente ans d’existence - se veut une comédie érotique, mais le propos est beaucoup plus dramatique. Simon doit faire face à un problème qui semble éternel. La mort de sa mère et les circonstances l’obligent en effet à choisir entre différents types de femmes, et il doit, en outre, trouver sa propre identité. Dans une finale un peu abracadabrante, il apprend, de la bouche des lesbiennes, dans une tirade complètement loufoque, que sa mère était son père. Son univers bascule.
Prise au premier degré, Sextett est une pièce amusante, souvent drôle, un peu «sexée», et très bien interprétée par Micha Lescot et les cinq comédiennes. Mise en scène un peu comme une bande dessinée, cette pièce offre certains moments savoureux. Mais le sentiment de vide qui nous envahit à la sortie laisse perplexe. On a l’impression que l’auteur a voulu nous lancer un message, nous faire réfléchir. Si telle était son intention, c’est moins réussi. Par contre, comme on s’amuse, pourquoi bouder son plaisir?