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21 janvier 2010 · Christian Saint-Pierre
À la croisée des chemins
Après une tournée en France, Sextett est enfin présenté entre les murs de l'Espace Go. Un objet tout simplement jouissif, et plus sérieux qu'il n'y paraît.
Tous deux associés au CDDB - Théâtre de Lorient, en Bretagne, le dramaturge Rémi De Vos et le metteur en scène Éric Vigner sont ce qu'il est convenu d'appeler des complices. Un peu comme Olivier Cadiot et Ludovic Lagarde, deux autres talentueux créateurs français que la directrice artistique de l'Espace Go, Ginette Noiseux, a eu la bonne idée de nous faire découvrir en 2000.
Créé pour célébrer les 30 ans de la compagnie née Théâtre Expérimental des Femmes, Sextett est une savoureuse plongée dans la psyché en pleine ébullition d'un jeune homme submergé par les désirs les plus divers. De retour dans la maison de sa mère, qu'il vient d'enterrer, Simon est visité par cinq figures, des archétypes, des femmes plus grandes que nature, de purs fantasmes, le fruit d'une imagination débordante, d'un inconscient fécond, le résultat d'un mélange détonnant entre le Bien et le Mal, Éros et Thanatos.
Maintenant que sa mère n'est plus, le garçon doit devenir un homme. Un cliché ? Peut-être. Seulement, il faut bien convenir que c'est ce qui se produit chez Simon. D'un point de vue identitaire, tous les possibles s'offrent soudainement à lui. Durant cette journée - complètement folle, faut-il le préciser ? -, le jeune homme devra s'inventer, faire des choix cruciaux. Ces décisions ne sont faciles pour personne. Pour Simon, dont l'histoire familiale s'apparente à un croisement entre Blue Velvet et Eyes Wide Shut, c'est pire encore !
Si le voyage s'avère éprouvant pour le héros, il est plus que divertissant pour le spectateur. C'est que l'aventure est éminemment ludique, fantastique et fantasmatique, bercée par la musique et le chant, truffée d'images fortes et contrastées, de répliques assassines et de corps à corps sulfureux. En même temps, l'ensemble de la représentation est sous-tendu par des enjeux sexuels, sociaux et identitaires hautement pertinents. De quoi réjouir le plus blasé des psychanalystes.
Pour arriver à cet objet, aussi distingué qu'irrévérencieux, réglé au quart de tour, Vigner a réuni une équipe en or. Micha Lescot offre un irrésistible amalgame de désinvolture et de tonus. Sous nos yeux, il passe graduellement de l'adolescence à l'âge adulte. Anne-Marie Cadieux est la respectable collègue de travail, Johanna Nizard, la synthétique et dégourdie Sarah, Maria de Medeiros et Jutta Johanna Weiss, les étranges voisines lesbiennes, Marie-France Lambert, la chienne Walkyrie, agressive mais pas indomptable. Toutes, elles arrivent à transcender la caricature, à donner de l'humanité à des personnages a priori improbables. On en redemande !