Le Figaro
16 janvier 1996 · Caroline JURGENSON
ÉRIC VIGNER met le cap sur la création
Avec L'illusion Comique de Corneille le metteur en scène inaugure son Centre dramatique de Bretagne et affiche ses ambitions.
Le hall du théâtre est blanc, avec un magnifique vieux parquet, un peu noirci, plein d'irrégularités, des traces de multiples passages. ÉRIC VIGNER a été cherché ce parquet, qui date du XVIIe siècle, dans le Jura, chez un ami. Ce bois rappelle bien entendu les bateaux et la corne de brume qui invite les spectateurs à se rendre dans la salle est un autre signe de la volonté du CDDB (Centre dramatique de Bretagne) de renouer avec l'histoire de Lorient, ville d'où est partie le premier navire pour l'Orient, les futurs comptoirs de l'Inde.
Ce n'est pas non plus par hasard qu'ÉRIC VIGNER a choisi L'Illusion comique de Corneille, cette histoire dans l'histoire, cette représentation faite à Pridamant qui cherche son fils Clindor par l'entremise du magicien Alcandre. Guy Parigot incarne Pridamant mais il fut surtout le professeur d'ÉRIC VIGNER au conservatoire de Rennes et le fondateur, avec Hubert Gignoux, du Centre dramatique de l'Ouest, puis de la Maison de la culture de Rennes. Une des figures de la décentralisation apporte ici son passé pour la nouvelle aventure de l'unique théâtre de la ville de Lorient, lieu qui s'était un peu assoupi.
"C'est un changement de cap radical, dit ÉRIC VIGNER. Nous sommes en fait un centre dramatique régional, donc avec une subvention d'un peu moins de 6 millions, mais avec une mission de création. Je veux donner la chance à de jeunes compagnies, à de nouvelles pièces."
Prochainement en création, Débrayage de Rémi de Vos, puis Soir de fête d'Irina Dalle, dans la nouvelle salle de 340 places. Nouveau aussi, le dessous de scène, où se loge pour L'Illusion comique le quatuor Matheus. Jeux de miroirs, de dédoublement, ÉRIC VIGNER a choisi Corneille pour emblème, avec une troupe qu'il place sur le fil du rasoir, montrant en guise d'ouverture l'arrivée des musiciens dans le décor magique de Claude Chestier où les cintres à nu symbolisent le théâtre dans sa belle simplicité.
"Je suis breton et ce lieu, qui est l'un des plus petits centres dramatiques de France, me convient parfaitement, reconnaît ÉRIC VIGNER. Durant l'été, de fin juillet à mi-août, nous voulons créer un festival pour investir les lieux historiques de la ville autour des thèmes de la compagnie de l'Orient et de la destruction de la ville pendant la Seconde Guerre mondiale. Avec Quimper et Saint-Brieuc, deux scènes nationales, le TNB de Rennes et le Quartz à Brest, nous voulons faire de la Bretagne un pôle de création."