Ce regard · Jean Audureau · Juillet 1993 · LA PLUIE D'ÉTÉ

Ce regard · Jean Audureau · Juillet 1993 · LA PLUIE D'ÉTÉ
ÉRIC VIGNER a la vigilance du fauve et le regard du poète
Commentaire & étude
Jean Audureau
04 Juil 1993
Programme du Théâtre de la Commune 1993
Langue: Français
Tous droits réservés

Ce regard - JEAN AUDUREAU

Paris, 4 juillet 1993

"J’ai découvert LA PLUIE D’ÉTÉ au Théâtre du Conservatoire. Ce soir-là, de jeunes élèves jouaient et lisaient le livre de MARGUERITE DURAS. Un fils d’immigrés ne voulait plus aller à l’école. Il nous le disait sous les étoiles. Comme il avait raison ! Le livre s’ouvrait. On voyait le père et la mère de ce gosse, ses copains de banlieue, son instituteur, une journaliste… et… l’histoire sérieuse et drôle devenait une grande histoire.

J’ai ensuite rencontré le metteur en scène de ce spectacle. C’était la première fois. Je veux vous en parler. ÉRIC VIGNER aime les textes. Et il a un sens absolu (physique) de l’Espace.
Voilà bien ce que je recherche au théâtre.
Et cela ne me quitte jamais.

Un matin… oui un matin j’étais dans un lieu qui ressemblait à une cave et par le soupirail j’ai vu une morte couchée dans un cercueil ouvert.
Ce cercueil était posé sur un char funèbre que je ne pouvais apercevoir mais je n’en doutais pas car devant mes yeux la morte avançait lentement. Elle avait un visage banal et bien mail celui qui aurait pu dire son âge, mais ce qui retint un long moment mon attention ce fut sa chevelure abondante et soyeuse comme en ont parfois les très jeunes enfants.
Et je l’imaginais vivante, peignant ses magnifiques cheveux et les rejetant d’un geste sur ses épaules.
Alors je voulus lui parler. J’avais peur, peur jusqu’à la folie de la voir disparaître à jamais car sans se décider à franchir les limites de l’étroit soupirail, le char funèbre progressait cependant.

Comment travaille-t-il ÉRIC VIGNER ? Je ne sais pas. Mais je sais que le jeune homme peut tout demander à ses comédiens.
Car il a la vigilance du fauve et le regard du poète."