24 heures · 22 décembre 2000 · LA DIDONE

24 heures · 22 décembre 2000 · LA DIDONE
On est tour à tour ravi, angoissé, séduit, ému, captivé à l'écoute d'un langage qui n'a étonnamment pas vieilli.
Presse internationale
Avant-papier
Daniel Robella
22 Déc 2000
24 H Lausanne
Langue: Français
Tous droits réservés

24 heures

22 décembre 2000 · Daniel Robella

CAVALLI : une belle découverte pour sabler le champagne

Venise, 1637. Le premier théâtre lyrique payant ouvre ses portes dans la Cité des Doges. Jusqu'alors privilège des princes et de leurs courtisans, l'opéra se démocratise et ne tarde pas à devenir un genre couru. Autre date, 1641. C'est celle de la création de LA DIDONE d'un CAVALLI alors âgé de 39 ans.

Trois actes précédés d'un prologue au cours duquel la Fortune annonce la chute de la ville de Troie, au temps des Grecs. Pour écrire son livret, Giovanni Francesco Busenello s'est inspiré de l'histoire de Didon et Enée, telle que relatée par Virgile dans son Enéide. Au premier acte, Troie tombe entre les mains de l'ennemi. Enée s'enfuit. Sur les rives de Carthage, la rencontre entre Enée et Didon est scellée au deuxième acte. Au troisième et dernier acte, happy end soudain. Didon, outragée et sur le point de mettre fin à ses jours. épouse son soupirant Iarbas.

Dans son CAVALLI et l'opéra vénitien au XVIle siècle — paru à Paris en... 1931, c'est l'un des très rares livres de langue française sur notre compositeur, ce qui ne laisse pas de rendre songeur — le musicologue Henry Prunières rappelle avec Romain Rolland, que "CAVALLI est un artiste de tendances populaires. Il pratique son art avec une science consommée, mais ne se soucie point d'une beauté qui ne serait que musicale et non humaine et expressive. Ce n'est jamais lui qui s'efforcerait comme d'autres de combiner des harmonies dissonantes à seule fin de chatouiller l'oreille agréablement. Il ignore ce sensualisme raffiné. S'il emploie des dissonances, c'est toujours pour un effet dramatique."

Un effet dramatique: le mot est lâché. Tout dans cet ouvrage de CAVALLI, basé essentiellement sur le récitatif (récit épousant le style de la conversation courante), fait mouche et n'offre pas une once d'ennui. On est tour à tour ravi, angoissé, séduit, ému, captivé à l'écoute d'un langage qui n'a étonnamment pas vieilli. Tout au contraire. Cette musique dite, improprement "ancienne" a gardé une fraîcheur et une modernité à nulles autres pareilles. D'autant que sont à l'oeuvre Christophe Rousset qui dirige du clavecin son ensemble sur instruments originaux Les Talens Lyrique plus une pléiade d'excellent chanteurs acteurs.

Pour l'occasion, les quatre heures de l'ouvrage ont été ramenées à trois heures sans pause (!). À suivre dans une mise en scène du Français Éric Vigner, homme de théâtre qui règle sa première mise en scène d'opéra et, ainsi fait ses débuts à l'Opéra de Lausaune.

CAVALLI le Vénitien, coeur et âme

D. Rz

Mort à Venise en 1676 à l'âge de 74 ans, Francesco CAVALLI est l'un des compositeurs d'opéra du XVIe siècle les plus doués. Il reprend l'opéra là où l'avait laissé le grand Monteverdi, dont il fut probablement l'élève, y ajoutant peut-être davantage de sensibilité et aussi un sens vif des contrastes.

Les ruptures de ton sont fréquentes, également une vibrante déclamation mélodique et toutes sortes d'effets qui touchent directement le coeur et l'âme de l'auditeur-spectacteur. C'est dire s'il faut se réjouir de cette DIDONE.

Mais celui qui fut par ailleurs organiste à la Basilique Saint-Marc, et séjourna à Paris pour monter L'Ercole amante, opéra commandé par Mazarin, laisse une quarantaine d'opéras, presque tous inspirés par la mythologie. Parmi ceux-ci, citons Le nozze di Teti e Peleo, L'Egisto, L'Ormindo, Scipione Affricano, ou encore Pompeo Magno.

Les compositions étant utilisées de manière éphémère à l'époque, l'oeuvre de CAVALLI fut oubliée à sa mort. On a donc la chance de pouvoir aujourd'hui la redécouvrir peu à peu, dans l'émerveillement il faut bien le reconnaître.