Libération
26 juin 2004 · Éric Dahan
Une Antigone méconnue
La parution en 2000 du premier enregistrement mondial de l'Antigona du Napolitain Tommaso Traetta, par Christophe Rousset et ses Talens lyriques, fut une révélation. Moins connu que Scarlatti ou Jommelli, cet élève de Porpora chercha à réformer l'opera seria en lui apportant le meilleur de la tragédie lyrique à la française : dimensions resserrées, dramatisme gluckien, richesse de l'écriture vocale organisée en airs, duos, trios et chceur, Antigona est un bijou. Pour le mettre en scène l'an dernier à Montpellier, Rousset fit appel à Éric Vigner et au tandem de graphistes M/M, connus pour leur travail dans la mode (de Balenciaga à Calvin Klein) et la musique pop (de Madonna et Björk). Programmée dans le cadre du Festival des régions du Châtelet, cette production fut dévoilée aux Parisiens mardi.
Autant le dire, la mise en scène statique et géométrique de Vigner et les décors de M/M furent copieusement sifflés. Certes, ce n'est pas la Theodora de Sellars à Glyndebourne, mais des costumes de Paul Quenson aux différentes "sculptures" mobiles des M/M, en passant par les lumières de Marie-Christine Soma, l'ensemble est plastiquement cohérent. Quant à la direction de Rousset, elle est exemplaire de raffinement et d'attention extrême à des chanteurs tous superbes, jusqu'à la soprano romaine Raffaella Milanesi, remplaçant Maria Bayo, avec un engagement et un sens du cantabile sensibles. Fidèle à sa réputation, le choeur les Eléments de Joël Suhubiette est admirable de transparence. Ce qui constitue assez de raisons de faire le déplacement.