Le Midi Libre · 23 mars 2004 · ANTIGONA

Le Midi Libre · 23 mars 2004 · ANTIGONA
Antigone baroque et graphique
Presse régionale
Critique
Michèle Fizaine
23 Mar 2004
Midi Libre
Langue: Français
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Le Midi Libre

23 mars 2004 · Michèle FIZAINE

Antigone baroque et graphique

Une création réussie par les Talens Lyriques. Belle distribution et choeurs à la hauteur sur fond noir et blanc

Tommaso Traetta a composé une Antigona des plus étranges. Musique baroque de 1772, créée à Saint-Pétersbourg, ce qui a eu pour conséquence un happy end destinée à glorifier la magnanimité des souverains comme la Grande Catherine.
Sophocle ne s'en retourne plus dans sa tombe. Mais il faut donc se résigner à ne point retrouver le caractère d'Antigone, et convenir que Maria Bayo est vocalement extraordinaire dans le rôle titre. Tout repose sur cette grande présence, dont la déclamation est impeccable et percutante. Elle se joue de toutes les difficultés, avec beaucoup d'invention dans les timbres, mais parfois un soupçon de dureté et un peu de froideur dans la perfection. Dommage que la mise en scène d'Éric Vigner la laisse statique dans les airs les plus longs comme Ne pleurez pas mon sort.

La distribution est toute brillante : Kobie van Rensburg est un Créon impressionnant et crédible, rayonnant dans les aigus. John Mac Veigh est dans le rôle d'Adraste un protagoniste vif, très à l'aise, talentueux. Quant à Marina Comparato, elle a une réelle intelligence du personnage d'Ismène et beaucoup de style.
Une vraie voix baroque tout comme Laura Polverelli, superbe mezzo interprétant le rôle travesti d'Hémon : moins de puissance parfois, mais que de nuances et d'expressivité !

Si l'on n'a pas d'a priori contre le noir et blanc, on peut apprécier le multigraphisme très inventif des costumes et des décors de MM. Paternité Dali, filiation Kandinsky, cousinage Cocteau, Miro, Di Rosa, ainsi que "Terrain Vague" et fashion. Optical de rigueur. Les différentes toiles rythment le drame, et la présence des jumeaux Etéocle et Polynice contribue à la tension du ressort tragique. Les costumes forcent la note branchée, avec des combinaisons mi-sportives, mi-science-fiction, ou le déguisement des choristes en club de gym américain...

La musique est conduite avec fougue par Christophe Rousset. Les choeurs de Montpellier sont excellents. On entend l'efficace ardeur du violoniste Stefano Montanari, dont tous les musiciens partagent la fougue, donnant à cette musique rutilante sa vie exacerbée, sa franchise. 51 intermittents en sursis, précise la banderole déployée au moment des saluts. C'était la dernière création de la résidence des Talens Lyriques à Montpellier.