Cyberpresse.ca · 15 janvier 2010 · SEXTETT

Cyberpresse.ca · 15 janvier 2010 · SEXTETT
Des rebondissements intéressants jusqu'à la fin de cette pièce marquante, incontournable production de la rentrée 2010.
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Critiques
Jean Siag
15 Jan 2010
Cyberpresse.ca
Langue: Français
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15 janvier 2010 · JEAN SIAG

SEXTETT : entre désir et réalite

Délirant. Amusant. Étrange. SEXTETT, qualifiée à juste titre de "comédie érotique déjantée", se boit comme un bon vin boisé, qui finit, à force d'en boire, par stimuler tous nos sens. Nous réchauffe, nous désinhibe, nous engourdit, nous gêne un peu et finalement nous met au tapis. En moins d'une heure trente.
Il y a quelque chose du Cœur a ses raisons dans cette comédie écrite par Rémi De Vos. Pour son côté bédé, son humour décalé et ses clichés sur le désir. En même temps, on parle de la mort du début à la fin. Et on se surprend de rire autant, malgré l'atmosphère glauque et les tensions sexuelles persistantes.
Au départ, tout est de l'ordre du réel. Simon, un jeune agent publicitaire, retourne dans sa ville natale pour l'enterrement de sa mère. Il se retrouve dans sa maison, lieu de l'action. Une collègue qui cherche désespérément à le séduire, Claire (excellente Anne-Marie Cadieux), l'accompagne.

Sexualité ambigue

L'acteur français Micha Lescot, qui interprète le rôle de Simon, est la pièce maîtresse de ce texte écrit spécialement pour lui. Tout tourne autour de ce garçon filiforme à la sexualité ambiguë, non définie, qui fait penser à Mika, sans les boucles. Très féminin dans ses poses, ses gestes, ses intonations.
Simon raconte son histoire au public avec un naturel désarmant, multipliant les "steppettes" et les glissades sur tapis (incluant des moon walk), qui, tout de suite donnent le ton. En quelques minutes, nous savons. Micha Lescot a une présence magnétique qui rejaillit sur tous les personnages qui l'entourent.
Peu à peu, c'est comme si on entrait dans la tête du jeune homme. Dans ses fantasmes, ses désirs, sa confusion. Dès son arrivée dans la maison familiale au décor rétro, orange et brun, lisse et lustré, Simon subit les assauts sexuels d'étranges créatures. Certaines qu'on souhaiterait croiser, d'autres non. Il y a d'abord les voisines, deux chanteuses lesbiennes, Jane et Blanche, interprétées par la Portugaise Maria de Medeiros et l'Autrichienne Jutta Johanna Weiss. Puis, Sarah (Johanna Nizard), la prostituée qui l'aurait jadis dépucelé, qui réapparaît tel un fantôme, elle aussi au sexe équivoque. Mais qui chante en arabe comme une déesse.
Le délire se poursuit avec la chienne des voisines, Walkyrie. Il faut voir Marie-France Lambert en femme-chienne, avec sa tête de bull-terrier, le haut du corps nu sous un chandail de nylon noir transparent, dans un duel érotique avec Simon, à la limite dérangeant.

Bien rodé

Créé en Bretagne il y a trois mois, le spectacle est drôlement bien rodé. Exit les hésitations des premières. Cette pièce a tourné et ça paraît. La mise en scène d'Éric Vigner (qui a présenté ici Savanah Bay en 2007) est hyper fluide. Et nous mène par le bout du nez dans ces zones interdites.
De la mère que Simon enterre, on ne sait au départ que peu de choses. Sa mort est surtout le prétexte pour nous plonger dans ce monde lubrique, rêvé ou cauchemardé. On pense alors à Eyes Wide Shut, de Stanley Kubrick, qui explore ces mêmes zones à la frontière du réel et de l'imaginaire. C'est dans cet univers parallèle qu'on apprendra que les parents de Simon formaient, avec les voisines, un quartette (musical et sexuel). Et que sa mère n'était peut-être finalement pas sa mère...

Des rebondissements intéressants jusqu'à la fin de cette pièce marquante, incontournable production de la rentrée 2010.