Ouest France · 18 octobre 2002 · SAVANNAH BAY (Comédie-Française)

Ouest France · 18 octobre 2002 · SAVANNAH BAY (Comédie-Française)
L'escale initiatique
Presse régionale
Critique
Sabine Niclot-Baron
18 Oct 2002
Ouest France
Langue: Français
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Ouest France

18 octobre 2002 · Sabine NICLOT-BARON.

SAVANNAH BAY, l'escale initiatique

Moment fort mercredi soir, Savannah Bay a ouvert la saison du Centre dramatique de Lorient. Sur une mise en scène inventive d'Éric Vigner, les deux sociétaires de la Comédie-Française, Catherine Samie et Catherine Hiegel ont transcendé le texte de Marguerite Duras.

Le temps s'est arrêté, mercredi, à la porte du souple rideau vêtu de perles, manteau ondulant au gré des vagues de la vie. Dans cet océan couleur de sang, Catherine Samie et Catherine Hiegel ont su trouver leur place. Elles se répondent, se perdent, se retrouvent et réinventent Savannah Bay durant une heure et demie qui compte pour quelques instants.

Pierre blanche

Entre la femme fuyante qui tutoie l'au-delà et sa fille de douleur, concrète et passionnée, il y a océan de passé et d'amour magnifié par un texte qui ravive sans cesse une palette d'émotions qui font mal, petites touches sensibles entrecoupées de moments d'attente oppressants. Ainsi va - mal - la vie du côté de Savannah, lieu imprécis près d'une pierre blanche qui n'est que le prétexte à un voyage douloureux dans les méandres de la mémoire.

Il semble que rien ne pouvait mieux rapprocher les deux sociétaires de la Comédie-Française qui disent, dans un même mouvement de flux et de reflux, la vie, la mort, l'absence...

On retrouve tout Duras dans un seul texte. C'est là le beau cadeau d'Éric Vigner pour le public de Lorient. Il a su merveilleusement choisir "ses" deux interprètes qui ont véritablement habité la pièce, mercredi soir, par la force incroyable de leur jeu. Il éclairait un texte difficile où le plus petit geste compte, où le plus petit silence en dit plus long que de longues phrases et souligne magnifiquement le talent de deux grandes dames du théâtre, au sommet de leur art.

Marguerite Duras aurait à coup sûr apprécié l'écrin épuré et sensuel d'Éric Vigner, ces simples fauteuils de rotins qui évoquent l'Asie, la grâce fragile des perles roses qui délimite l'espace intime, le charme suranné d'un petit projecteur ou la voix tendue de Piaf rendue plus présente encore par le grésillement du tourne-disque. Marguerite Duras apprécie car son portrait trône au fond de la scène. Elle est là et elle sourit.