La Provence · 16 janvier 2004 · SAVANNAH BAY (Comédie-Française)

La Provence · 16 janvier 2004 · SAVANNAH BAY (Comédie-Française)
Un éblouissant "Savannah Bay"
Presse régionale
Critique
Jean-Rémi Barland
16 Jan 2004
La Provence
Langue: Français
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La Provence

16 janvier 2004 · Jean-RémI BARLAND

Savannah Bay, l'avant dernière lundi au théâtre

Un rideau fait de lamelles rouges et jaunes. Un rideau derrière lequel on se glisse comme si on voulait s'alléger d'un fardeau trop lourd à porter. Un rideau symbolisant la traversée du miroir, l'envers des choses, la fuite du temps et le coffre-fort des larmes. Pour donner sa version de Savannah Bay, la pièce de Marguerite Duras créée en 1983 par Madeleine Renaud et Bulle Ogier, Eric Vigner a privilégié la minéralité du texte, sa puissance onirique et non pas son caractère romantique et son évocation exotique des lieux traversés en esprit par les deux protagonistes.

Grave et aérienne

Cette mise en scène, qu'il est tout simplement lumineuse. Pas une once de surcharge narrative, Eric Vigner offre à voir une pièce grave, rendue aérienne par le jeu tendu des comédiennes. Catherine Hiegel, dans le rôle de la jeune femme et Catherine Samie, dans celui de Madeleine, toutes deux sociétaires de la Comédie-Française (rappelons en effet que ce Savannah Bay-là fut créé dans la maison de Molière en septembre 2002, marquant ainsi l'entrée de Marguerite Duras dans le répertoire du Français) sont bouleversantes d'authenticité et de violence intériorisée.

L'intrigue elliptique, comme c'est toujours le cas chez Duras, est aux prises d'une comédienne qui a joué dans le monde entier mais dont la mémoire se brise sur les rochers noirs d'un terrible secret... et une jeune femme qui est sans doute sa petite fille. Cette dernière va lui faire raconter, presque rituellement, l'histoire d'un amour passionné qu'elle connut jadis. Une image revient lentement dans la conscience de Madeleine. Sur une pierre blanche, qui émerge de la mer à Savannah Bay, un homme crie et une jeune fille le rejoint. L'homme évoque son épouse âgée de 17 ans qui, une nuit, s'est tuée à Savannah Bay.

C'est tout pour l'histoire. Grâce à ces deux prodigieuses actrices, Eric Vigner montre combien Savannah Bay est une pièce qui résume à elle seule toutes les activités artistiques de Marguerite Duras. Une pièce emblématique transformée ici en leçon de théâtre magistrale et inoubliable.