Nice Matin
11 octobre 1994
C'est la rentrée - aussi - au Théâtre de Nice.
Sur tous les tableaux. Dans les velours à l'italienne de la salle Pierre-Brasseur, ce soir et jusqu'au 15 octobre, le metteur en scène Éric Vigner qui a travaillé notamment avec Luca Ronconi et Peter Brook, et qui vient d'être nommé directeur du CDN de Lorient, présente Reviens à toi (encore) : la six ou septième pièce du jeune dramaturge irlandais Gregory Motton, découvert en France il y a quelques années grâce à Claude Régy qui a monté ses Chutes (et l'an dernier encore au TDN, avec ses élèves de l'École régionale d'acteurs de Cannes dont c'était le spectacle de fin d'année).
Avec cet auteur de 30 ans venu à l'écriture dramatique par un journalisme de combat multipliant les brûlots contre les dérapages de la société thatcherienne (mais sans pour autant se rattacher aux courants socialisants illustrés avant lui par David Hare ou Howard Brenton) Éric Vigner invite à connaître mieux un "nouveau théâtre" britannique branché en prise directe sur les réalités terribles et dérisoires de cette fin de millénaire.
Dans la lignée d'un Bond ou d'un Beckett dont il rejoint l'économie de moyens dans l'expression, avec un art fait de l'accumulation apparemment irrationnelle d'images brutes, Gregory Motton par la seule force de sa poétique nous rend perceptible, douloureuse, la vérité de cet univers de l'exclusion que nous nous contentons d'ordinaire de nommer, comme pour en conjurer les dangers.
Il est servi ici par Marilù Marini, la complice habituelle d'Alfredo Arias avec le groupe TSE, qu'entourent Bruno Raffaelli, Alice Varenne et (à la cornemuse) Patrick Molard.