Ouest France
18 janvier 1993 · Yannick Butel
La guerre des trois n'a pas eu lieu
La phrase lapidaire, le mot choc... Jean-Lous Benoît ne finit pas de se révolter et de rire, du manque de nos sociétés. Manque de vérité, désinformation ou hypermédiatisation, mensonges et bétises de la télé. "J'ai pris la parole la plus pauvre qui soit : celle de la TV. Une parole perverse, qui hypnotise et manipule le spectateur à travers des images elles aussi manipulées. Ces gens nuls, le théâtre les donne à voir et entendre, avec le décalage qui est nécessaire pour comprendre la perversion. En reprenant ces textes, ça donne au théâtre un autre sens. Un sens qui est peut-être surtout chez l'acteur." Face à celui qui s'interroge sur l'absence de déontologie du journaliste, Éric Vigner semble plus serein.
"Le régiment étudie l'existence et la vie à travers la guerre. La TV ne rend pas compte de la guerre. Au théâtre, à la différence du petit écran, on peut dire "je ne sais pas". Ce que je propose avec cette pièce, c'est une façon de voir les choses de façon plus humaniste. Les images de la guerre sont prises ici et là. Cela correspond aussi sans doute au fait que, pour moi, un spectacle n'est jamais achevé."
Heureux de pouvoir faire du théâtre, et chercher aujourd'hui les formes qui lui correspondent, Éric Vigner parle ensuite de Dubillard, de sa grand-mère à qui il a emprunté le nom pour sa compagnie, de Vassiliev à Moscou : un autre metteur en scène.
Si le thème de ces rencontres est la guerre, autant dire, comme Giraudoux, que "la guerre des trois n'a pas eu lieu". Si maintenant il s'agit d'aborder le problème du monopole de la parole par quelques journalistes, alors c'était un peu juste quant à l'argumentation. Paradoxalement, le plus drôle est encore qu'en parlant des limites de la parole journalistique, on ait pu constater celles de ceux qui la jugeaient.