La Croix · 24 avril 1992 · LE RÉGIMENT DE SAMBRE ET MEUSE

La Croix · 24 avril 1992 · LE RÉGIMENT DE SAMBRE ET MEUSE
Le bataillon de choc des comédiens mène l'assaut tambour battant.
Presse nationale
Critique
Didier Méreuze
24 Avr 1992
La Croix
Langue: Français
Tous droits réservés

La Croix

24 avril 1992 · Didier Méreuze

Dieu que la guerre est jolie!

"Mieux vaut parler comme on veut que comme il faut; ou sinon je vais me taire, c'est à choisir...".

Fort de cette devise extraite de La Maison d'os de Dubillard (son premier spectacle "choc" qui l'a révélé l'an dernier), Éric Vigner a décidé de "parler" du sujet le plus cher au coeur de la France comique troupière : l'armée. De l'instruction des pioupious au soldat (le même comédien chaque soir?) qui se fait tondre en direct suivant les strictes règles de la coupe militaire, tout y passe. Y compris les grandes manoeuvres, les morts à tête de bois ou de gendarmes qu'on enterre, le salut aux couleurs. Y compris, surtout, les parades en fanfare qui se désaccordent et les discours triomphants sur l' "esprit des batailles" qui font froid dans le dos.

Car qu'on ne s'y trompe pas : si à travers cet ahurissant montage de textes, Courteline figure en bonne place, on y retrouve aussi Céline, Genet, Allais, le peintre Franz Marc, Dubillard. De quoi faire virer le rire au jaune, la bonne humeur à l'angoisse existentielle alors que dans l'espace vide du plateau - avec juste un arbre maigrichon et des patères aux murs nus où pendent des vareuses -, les lumières se font graves, les images se font belles - des patrouilles sous la neige au lâcher de parachutes miniatures. Et si, malgré les dérives oniriques et le très savant travail sur la langue héroïque, le spectacle n'atteint tout de même pas, dans sa puissance et ses surprises, la réussite parfaite de La Maison d'os, le bataillon de choc des comédiens mène l'assaut tambour battant. Débarquant du ciel, surgissant d'une trappe, arrivant d'un côté, ressortant par l'autre..., chacun s'époumone au rythme d'un drôle de chant de victoire. Celui de toutes les guerres qu'on dit "fraîches et joyeuses", "chirurgicales et propres". Des charniers de Verdun aux Irakiens enterrés vivants par les tanks sous les sables du Golfe.