Ouest France
2 novembre 1993 · Évelyne Letribot
Marguerite Duras : Écrire, dit-elle...
Deux thèmes forts dans le dernier ouvrage de Marguerite Duras : le mystère de l'écriture et la mort, à Vauville, au dernier jour de la guerre, d'un jeune aviateur anglais.
Que dire d'un livre de Marguerite Duras si ce n'est : "C'est Duras". Quand on est inconditionnel de cette écriture unique et pourtant si simple, toujours on se laisse prendre par la musique des mots, la poésie des phrases. Même si l'on regrette une certaine mégalomanie du personnage. Même si ses derniers récits frôlent parfois le radotage. Un "radotage" voulu cependant, construit. Comme reviennent sans cesse les images des moments les plus difficiles de la vie durassienne : la mort jamais admise du petit frère, l'attente du retour de Robert Antelme, son premier mari, prisonnier en camp de concentration durant la dernière guerre.
Dans La mort du jeune aviateur anglais, l'un des cinq textes qui composent son dernier ouvrage, elle dit: "On devrait pouvoir faire un certain film. Un film d'insistances, de retours en arrière, de redéparts. Et puis l'abandonner. Et filmer aussi cet abandon. Mais on ne le fera pas... "
Les images pourtant tournent et retournent dans l'esprit de l'écrivain, bâtissent une oeuvre. Dans la solitude de sa maison de Neauphle ou dans l'appartement des Roches noires à Trouville. Mystérieuse alchimie - faite de lieux, de doute, de souffrance et d'alcool - dont elle parle pour la première fois sans pouvoir l'expliquer. "Je peux dire ce que je veux, je ne trouverai jamais pourquoi on écrit et comment on n'écrit pas." Ce qu'elle sait c'est qu'écrire, c'"était ça la seule chose qui peuplait ma vie et qui l'enchantait. Je l'ai fait. L'écriture ne m'a jamais quittée". Question de survie.