Lyon Poche · 9 février 1994 · LA PLUIE D'ÉTÉ

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Lyon Poche · 9 février 1994 · LA PLUIE D'ÉTÉ
Une vigueur tout à fait étonnante.
Presse régionale
Critique
Marielle Créac'h
09 Fév 1994
Lyon Poche
Langue: Français
Tous droits réservés

Lyon Poche

9 février 1994 · Marielle Créac'h

LA PLUIE D'ETE

Il y eut d'abord un album d'Harlin Quist "interdit aux moins de 18 ans" et qui s'intitulait Ah ! Ernesto. Le texte était de Marguerite Duras et les images de Bernard Bonhomme. Puis il y eut un film, Les enfants, tourné en 1984. Puis, ce fut un roman La pluie d'été (difficile, disaitelle, tant le film avait dit l'essentiel)... Au bout de cette longue chaîne d'hybridations, il y a maintenant un spectacle de théâtre, un vrai, de ceux qu rendent heureux parce qu'ils sont limpides, intelligents et drôles, de ceux qu'on s'empresse de raconter aux amis même si, ce faisant, on sait en perdre la saveur et si, finalement, on leur dira que le mieux est encore de "juger sur pièce" (sic !) en allant voir soimême...

VIGUEUR

Voir... et découvrir six jeunes acteurs récemment sortis du Conservatoire et excellemment dirigés par Éric Vigner sur un parcours a priori délicat où le théâtre "vole" à la littérature ses talents et ses rôles comme Ernesto, le personnage central "âgé de 10 à 17 ans" vole à l'école et surtout à la vie ses connaissances. Ernesto donc, l'aîné, ou presque, d'une nombreuse famille d'immigrés italo-slaves installée par hasard à Vitry, près de l'autoroute, n'est pas tout à fait comme les autres. De l'école, où il a passé une petite semaine, il est rentré un jour en disant qu'il n'y remettrait pas les pieds parce qu'on lui apprenait là-bas "des choses qu'il ne savait pas" et depuis, dans la béance existentielle creusée par cette évidence inopinée, la "Casa" (les brothers et les sisters, le père et la mère) vit en apnée, dans l'attente de la rupture inévitable... comme la pluie qui tombe, même en été, comme la mort qui ne fixe de rendez-vous avec personne mais à laquelle personne n'échappe. Avec une exemplaire sobriété de moyens (plateau nu parsemé de quelques trappes et de quelques pommes de terre, baies vitrées du théâtre ouvrant sur la ville moderne), les comédiens jouent et lisent, assistent et s'investissent alternativement ou tous ensemble, insufflent à ce texte tout simple et très fort de Marguerite Duras une vigueur tout à fait étonnante...