Le Parisien · 10 décembre 1993 · LA PLUIE D'ÉTÉ

Le Parisien · 10 décembre 1993 · LA PLUIE D'ÉTÉ
Emporté par LA PLUIE D'ÉTÉ.
Presse régionale
Critique
Sylvie Metzelard
10 Déc 1993
Le Parisien
Langue: Français
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Le Parisien

10 décembre 1993 · Sylvie Metzelard

Emporté par la pluie d'été

Éric Vigner monte avec de jeunes comédiens la Pluie d'été, roman de Marguerite Duras. Une adaptation très réussie. Avis aux inconditionnels...

la Pluie d'été de Marguerite Duras est un roman troublant où il est question d'une nombreuse et curieuse famille, pleine de "brothers" et de "sisters", traînant du côté d'Ivry-sur-Seine. Emilio, le père, est italien. La mère, on ne sait pas trop d'où elle vient. De loin, en tout cas, du côté de l'Oural.

Ils s'aiment, ces parents-là, d'un amour si fort qu'ils ne peuvent pas s'éloigner - l'un de l'autre, mème pour travailler. Les mômes, ils se débrouillent. Avec un grand frère comme Ernesto. il ne peut rien leur arriver. C'est qu'il est spécial, celui-là. Sans avoir été à l'école jamais, il sait lire pourtant. Il peut raconter tout le contenu de l'énorme livre brûlé dans son milieu qu'a trouvé un petit brother. C'est un cas, Ernesto. Il a bien fallu que ses parents le mettent à l'école, mais il n'y est resté que dix jours. parce que, là-bas, "on n'apprend que des choses que l'on ne sait pas"... Sa culture, le petit prodige, il va se la faire tout seul, à la sortie des écoles, des lycées et même des facs du côté de Paris. Pour arriver où ? C'est la clé du roman. Et c'est le livre dans son entier qu'a décidé de monter Éric Vigner avec de jeunes comédiens tout frais sortis du conservatoire. Le résultat est prodigieux.

Puisque toute l'histoire de la Pluie d'été est balisée par les livres, l'écrit, chaque comédien est muni du roman de Marguerite Duras. Tous se font, tour à tour, lecteur et récitant mais avec une maîtrise stupéfiante. Chaque phrase trouve sa juste résonance et les personnages se dessinent tout doucement par petites touches impressionnistes. On donne un peu de naïveté émouvante chez le père ou Ernesto par ci, beaucoup de sentiments d'amour bouleversants par là ; entre les parents, entre Ernesto et sa mère, entre Ernesto et sa soeur Jeanne...

Le roman devenu théâtre a gardé toute sa musique et surtout toute sa désespérance contenue. Le texte est porté haut et tous les spectateurs décollent avec lui.