La Montagne · 28 février 1995 · LA PLUIE D'ÉTÉ

La Montagne · 28 février 1995 · LA PLUIE D'ÉTÉ
Les fées du théâtre se penchent sur cette PLUIE D'ÉTÉ.
Presse régionale
Critique
28 Fév 1995
La Montagne
Langue: Français
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La Montagne

28 février 1995

(...) L'instituteur : "Le monde est loupé Monsieur Emesto".
Emesto, calme : "Oui. Vous le saviez, Monsieur... Oui, il est loupé".
Sourire malin de l'instituteur.
L'instituteur : "Ce sera pour le prochain coup... Pour celui-ci...".
Emesto : "Pour celui-ci, disons que c'était pas la peine".

Les paroles de La pluie d'été sont lâchées dans le grand vent d'un théâtre léger et âpre, en équilibre fragile entre la lecture, le jeu, la vie. Ce théâtre, aux yeux grands ouverts sur la douleur, la peur, l'amour, est signé par un jeune metteur en scène, Éric Vigner.

On les aime ces enfants : Ernesto, Jeanne et les autres, blottis dans leur "casa" tout en chaud et froid, avec le père venu de la vallée du Pô, la mère d'un Nord lointain et poétique. Elle épluche des pommes de terre, parfois elle chante "La Néva". L'autoroute, un appentis et le supermarché où ils dévorent des livres qu'ils ne savent pas déchiffrer : c'est le royaume des enfants. C'est une banlieue triste, Vitry-sur-Seine.

Dans un livre brûlé, Ernesto, l'aîné, découvre qu'il sait lire. Il n'ira plus à l'école parce que, dit-il "On m'apprend des choses que je ne sais pas". Mais il sait, Ernesto, très vite, la chimie et tout le reste, et que "la seule pensée de l'humanité, c'est ce manque à penser-là, Dieu". Il sait aussi que ce qu'il aime le plus au monde, sa soeur Jeanne, il la perdra.

Ils sont beaux, ils sont jeunes, à peine issus du Conservatoire. Six comédiens qui lisent et jouent comme on vit, dans l'instant d'une parole et d'une présence. Il y a de la musique, des feuilles blanches sur les fauteuils, du feu, des lumières et les fées du théâtre se penchent sur cette Pluie d'été.