L'Express · 2 octobre 2003 · "... OÙ BOIVENT LES VACHES."

L'Express · 2 octobre 2003 · "... OÙ BOIVENT LES VACHES."
Inauguration du Grand Théâtre
Presse nationale
Avant-papier
Laurence Liban
02 Oct 2003
L'Express
Langue: Français
Tous droits réservés

L'Express

LAURENCE LIBAN · 2 octobre 2003

Lorient n'est plus en rade

Depuis le bombardement de la ville par les Alliés, en 1943, les Lorientais n'avaient plus de salle de spectacle. Leur tout nouveau Grand Théâtre devrait faire des envieux.

Planté sur la place de l'Hôtel-de-Ville comme un envol de vagues brisées où le blanc et le gris se répondent, le nouveau Grand Théâtre de Lorient, conçu par Henri Gaudin, s'est fait longtemps attendre.

Par qui ? Par les Lorientais, en premier lieu, privés de théâtre depuis le bombardement de la ville par les Alliés, en 1943. Lesquels Alliés réussirent le tour de force d'anéantir 80 % de la cité sans faire trembler la base sous-marine allemande qu'ils visaient. Et par ÉRIC VIGNER, 43 ans, directeur du CDDB-Théâtre de Lorient. Promu centre dramatique national (CDN) en 2002, avec une subvention de 9,7 millions de francs, le CDDB souffrait de l'absence d'un équipement susceptible d'accueillir et de créer des spectacles d'ampleur. C'est chose faite aujourd'hui avec le Grand Théâtre, établissement municipal qui met à la disposition du CDN une salle de 1 050 places pour sept créations par an et une salle de répétition pour six mois.

Arrivé en janvier 1996, en pleine crise économique, alors que l'armée pliait bagage, le Rennais ÉRIC VIGNER s'est lancé dans l'aventure lorientaise avec la détermination d'un homme qui veut agir pour sa région d'origine. À l'époque, Lorient (60 000 habitants, 200 000 pour l'agglomération rurale) est la ville la moins dotée en équipements culturels de Bretagne. Le Festival interceltique commence tout juste à être reconnu et le théâtre, à l'étroit dans un ancien cinéma de quartier avec une petite salle de 338 places, n'a d'ambition et de moyens que régionaux. VIGNER, metteur en scène d'envergure nationale, retrousse ses manches : assisté d'une petite équipe, il accomplit un vrai boulot de militant auprès du public et, grâce à un carnet d'adresses bien rempli, fait venir les meilleurs artistes.

Huit ans plus tard, le CDDB est devenu un des lieux importants de la jeune création française, rayonnant de par le monde grâce aux tournées : c'est là qu'Eric Ruf a conçu son merveilleux Du désavantage du vent et Arthur Nauzyciel son Malade imaginaire ; c'est là que VIGNER a mis en scène ses plus belles réalisations, La Bête dans la jungle, de Marguerite Duras, ou Rhinocéros, de Ionesco. C'est là aussi qu'il a présenté L'Ecole des femmes, de Molière, avec la troupe de la Comédie-Française, puis coproduit, toujours avec le Français, Savannah Bay, de Duras, avec Catherine Hiegel et Catherine Samie.

Désormais, grâce au Grand Théâtre, il peut enfin déployer ses ailes. Et reprendre, le 2 février 2004, Savannah Bay dans les conditions grandioses de sa création au Français.

Retournant à ses premières amours, ÉRIC VIGNER ouvre la saison théâtrale avec Où boivent les vaches, de Roland Dubillard, qui marque la première création du CDN au Grand Théâtre. Partisan d'un art poétique plutôt que politique, amateur de textes contemporains éloignés de la désespérance qui plombe maintes scènes françaises, VIGNER semble l'homme idéal pour redonner à Lorient le goût des grands voyages. Sur les planches, pour commencer.