Le Télégramme · 21 octobre 1998 · MARION DE LORME

Le Télégramme · 21 octobre 1998 · MARION DE LORME
Superbement ennuyeux
Presse régionale
Critique
Jean-Luc Germain
21 Oct 1998
Le Télégramme
Langue: Français
Tous droits réservés

Le Télégramme

21 octobre 1998 · Jean-Luc Germain

Marion de Lorme au Quartz : superbement ennuyeux

Sujet fort, décor splendide, comédiens inspirés, metteur en scène ingénieux et auteur monumental. Marion de Lorme, premier grand drame romantique écrit par VICTOR HUGO, mis en scène par ÉRIC VIGNER, a tout pour séduire. Le résultat est malheureusement aussi superbe qu'ennuyeux.

L'entrée en matière nous a mis l'eau à la bouche : sur le devant de la scène, les comédiens expliquent le duel qui opposa, en son temps, VICTOR HUGO à la censure de la Restauration. Comment ne pas se passionner d'emblée pour la défense de toutes les formes de création, même les plus arides pour le combat en faveur de Ia liberté d'expression et la nécessité de dénoncer, par le théâtre les contradictions, les injustices d'une époque ?

La dimension subtilement subversive de ce premier grand drame romantique, écrit en 1829 et jamais vraiment joué, le parcours de Marion de Lorme, étincelle de vie prise entre le marteau qui forge la passion et l'enclume de l'Histoire, avaient tout pour séduire.

Espace magnétique

D'autant que le metteur en scène ÉRIC VIGNER fait une nouvelle fois la preuve éclatante de sa capacité à sculpter un espace théâtral magnétique, avec des éléments de décor singulier, une lumière habitée, des sons étranges. Aile d'ange géante ou herse aux lames effilées, symbole d'un funeste destin à venir, la sculpture mobile suspendue comme un bouquet d'épés de Damoclès au-dessus des protagonistes restera ainsi dans les mémoires.

Tout comme la sublime incursion poétique et musicale des instrumentistes de Matheus ou ce voile qui décompose l'espace-temps et celui de la narration. Inquiétants, envoûtants, puissants, les comédiens sont eux aussi irréprochables, aux prises avec un texte en vers dont ils s'ingénient à contourner la difficulté par un jeu outré, précieux jusqu'à la caricature.

Puissant soporifique

ÉRIC VIGNER a abordé cette pièce en cinq actes, comme d'autres escaladent l'Everest. Avec respect. Il a taillé dans la masse du monument, élagué texte et personnages. Le résultat est parfois beau, à couper le souffle. S'étirant sur près de trois heures, c'est aussi malheureusement un puissant soporifique.

Le splendide corps théâtral ne parvient jamais à s'extraire de son corset pour nous montrer ses charmes. Si l'échec d'une alchimie qui avait tout pour réussir ne saurait justifier l'attitude impolie et bruyante de certains (lire par ailleurs), le caractère léthargique et un peu ronflant de l'oeuvre explique sans doute sa longue mise en sommeil. Et aussi celle de spectateurs qui, après avoir baillé aux corneilles, ont fini par s'endormir.

Malgré nos efforts, Marion de Lorme s'est montrée aussi superbe qu'impénétrable. C'est ennuyeux.

Spectateurs ou malotrus ?

On a évidemment le droit ne pas aimer un spectacle. Faut-il pour autant manifester son désappointement en quittant la salle bruyamment, au mépris du public et des artistes ? Une nouvelle fois la question a été posée lundi soir lors de la représentation de Marion de Lorme.

Nous publions des extraits d'un courrier adressé à la rédaction par un spectateur qui a très mal vécu cette attitude lors du concert des tambours, de Kerala, le semaine passée au Quartz.

"La moitié dès spectateurs avait déserté la salle avant la fin de la remarqable prestation de ces musiciens "venus d'ailleurs". Un certain public (ou plutôt une bande de malotrus) n'a pas hésité à quitter la salle de spectacle sans se soucier d'une part de l'opinion de nos "invités" musiciens, d'autre part de la nuisance occasionnée aux autres spectateurs" s'indigne M. Yvon Grall.

Il poursuit : "Honte à toi ce "public brestois". Qu'aurait pensé l'ensemble Matheus si, se produisant à Calcutta, il avait vu le public indien faire de même ? La prestation des Tambours de Kerala n'étant pas à mettre en cause, alors quoi ? On aime ou on n'aime pas. Dans le second cas on reste chez soi et on ne vient surtout pas em... les autres. J'adresse par ma plume au nom de tuns les spectateurs qui ont chaleureusement applaudi et ovationné les artistes à la fin de leur concert, mes excuses les plus sincères , à ces religieux musiciens pour le compoirtement d'un « certain public » qui, je l'espère, n'est pas représentatif de la majorité".