L'Express · 7 novembre 1991 · LA MAISON D'OS

L'Express · 7 novembre 1991 · LA MAISON D'OS
La verve cocasse et désespérée de DUBILLARD
Presse nationale
Critique
Christiane Duparc
07 Nov 1991
L'Express
Langue: Français
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L'Express

CHRISTIANE DUPARC · 7 novembre 1991

La verve cocasse et désespérée de DUBILLARD

Méfiez-vous. Le spectacle commence une demi-heure plus tôt. Dès qu'on trouve le parking de la Défense, on se gare. Ascenseur. Vite, dehors. Sur la dalle, à 20 h 30, il n'y a pas une âme, des lumières bleuies par le brouillard, deux ou trois sculptures minimales posées là par hasard. Et puis Elle. Superbe. Légère, transparente. Tout près du ciel, fine, si proche. L'Arche.

Hélas ! il faut baisser les yeux et, pour aller jusqu'à Dubillard, pénétrer les entrailles de la Belle. Escaliers, couloirs, monte-charge, on descend encore, grisaille, recouloirs. Un lieu, enfin, à peine éclairé, quelques mauvaises chaises, des centaines de bidons rouges comme chez les Américains... Et nous voilà dans La Maison d'Os. Une maison isolée où agonise un riche vieillard, Monsieur, entouré de ses domestiques, une quarantaine, plus le médecin, le curé et les avocats pour qui, dit l'auteur, "la question n'est pas là". En effet, ils font une nouba d'enfer.

"La vie, écrit Dubillard, s'y joue de la cave au grenier." Chausse-trapes, vrais trous, escaliers en tire-bouchon, ascenseur à sonnettes, le jeu est partout devant, dessous, à côté... Avec une grande maîtrise de l'espace et une direction d'acteurs très efficace — ça rit, ça chante, ça gueule, ça joue au billard, ça court à toute allure et en tout sens, mais pas dans le désordre.

éric Vigner rend à ce vaudeville métaphysique, jamais rejoué depuis sa création, en 1962, toute sa verve cocasse et désespérée. On redécouvre Dubillard, funambule de la parole, roi du coq-à-l'âne, du langage destructuré. "Mieux vaut parler comme on veut que comme il faut. Ou sinon je vais me taire. C'est à choisir."

Le vieux maître dissident peut être content. Triviale et poétique, cette Maison d'Os, présentée dans le cadre du Festival d'automne, est une réussite. L'essentiel est là : dans cette méditation drolatique d'un moribond raisonneur — où est le dedans, le dehors d'une maison, d'un corps? Monsieur refuse de mourir, tandis que ses valets moqueurs exécutent autour de lui leur ballet diabolique.

"Pour réussir un spectacle, dit Vigner, c'est simple. Il faut un auteur génial, une troupe, un lieu. C'est la base du théâtre." à la base de l'Arche.